Chapitre 17 : Aveu coupable

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- Tu as quel âge, Eileen ?

Vérité ou mensonge ?
Merde.

- Je ne sais pas.

Pourquoi j'ai dis ça ?

- Comment ça ? Tu ne connais pas ton âge ?

- Euh,... Si ! J'ai euh...

Elle me regarde étrangement.
- Tu es plus âgée que la norme, c'est ça ? Tu as fugué ?

Ok, elle me juge complètement là.

- Quoi ? Non ! Mais il est vrai que je suis plus âgée. J'ai vingt-cinq ans.

- Je vois, dit-elle sèchement. Et tu vivais encore chez tes parents ?

- Oui, enfin non... C'est plus compliqué que ça.

- D'accord. Faisons plus simple : depuis combien de temps n'as-tu plus accès à ton domicile ?

- Sept mois.

Sept mois. Toujours ces mêmes putain de sept mois. Je déteste prononcer ces deux mots. Ils me rappellent tout ce que j'ai vécu depuis ces sept mois.

- Tu veux dire que cela fait sept mois que tu vis seule ? Ou as-tu trouvé refuge chez des amis ou de la famille par exemple ?

- Non. Je n'ai pas d'amis. Pas de famille non plus. En tout cas pas dans ce pays. J'ai vécu seule à la rue. J'ai appris l'existence de ce centre qu'hier soir.

- Tu n'en a même pas entendu parlé à ton école ? En cours d'éducation morale et civique ?

- J'ai étudié la plupart de ma vie en Angleterre. Les choses sont différentes là-bas.

- Depuis combien de temps es-tu en France ?

- Depuis la terminale, au lycée.

- Tu as la nationalité française ?

- Non... Anglaise.

- Tu sais que ta présence sur le territoire français est illégale... ?

- Je sais. La faute à la richesse de ma famille... Toutes ces négociations. Et puis les choses se sont compliquées vers mes vingt ans.

- Que s'est-il passé ?

- J'ai été jugée... pour possession et ventes de drogues. J'ai pris par la suite cinq années de prison.

Mme Richard pose ses coudes sur la table.
Je devine que mon « cas » est particulièrement rare.

- Mes parents ne m'ont pas visité une fois pendant que j'étais en prison. À ma sortie, ils étaient présents que pour signer l'autorisation de sortie. Suite à ça, [...]

Sept mois et quelques jours plus tôt

Pas un regard.
Ils ne m'adressent pas un regard.

Pas un mot non plus.

Au fond je ne sais pas ce que j'espérais.

J'ai longtemps rêvé de ce moment. Ce moment où je quittais cet enfer.

J'ai passé des journées, des nuits à m'imaginer des scénarios où mes parents me reverrais.
Nous sommes désolés Eileen.
On t'aime.
On a eu un empêchement. C'est pour ça qu'on a pas pu te rendre visite. Oui, pendant cinq ans.
Mais j'avais encore de l'espoir.

J'ai un énorme pincement au cœur. Je ne sais pas quoi ressentir.
J'ai envie de pleurer.
Sur leur épaule.
Relâcher la pression en leur racontant l'enfer que j'ai vécu.

La Misère dans les VeinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant