OS (Izuku) - Je ne me laisserais plus avoir

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Les voix des autres, je les entendais toutes. À l'exception de la mienne. Je voyais tout, j'écoutais tout, je ne parlais jamais. Invisible, je me faufilais à travers les règles de la société.
J'apprenais à l'école, comme tous les lycéens de mon âge, je sursautais lorsqu'un bruit était trop fort, comme tous les entendants.
Mais je ne parlais jamais.

La parole n'était qu'une voix remplie de mensonges, sale. Tout le monde l'utilisait et la déstructurait à son aise sans aucun respect. Un "je t'aime" n'avait plus aucune importance, personne ne savait plus différencier le vrai du faux. Les gens étaient bruyants, égoïstes, ravageurs. J'aurais souhaité être sourd !
Le bourdonnement des voix résonnaient sans cesse dans ma tête, du matin au soir. Aiguës, graves ? Il y en avait trop qui se mélangeaient.

Cela faisait deux ans que je n'avais pas entendu ma propre voix, ni même mes proches. Deux ans que je ne communique qu'avec mes mains et de l'encre sur du papier.
Les timides personnes qui avaient souhaitées interagir avec moi s'étaient retrouvées dans l'incapacité de comprendre ce que je signais, et ont abandonnées. Quel dommage, elles étaient parties alors que j'allais sortir un calepin que je gardais sans cesse à mes côtés dans ce genre de situation.

Situé entre le monde des sourds et des entendants, je marchais en contre-sens du courant de la vie, penchant dangereusement dans les abîmes de la tristesse solitaire. J'étais seul, mais non peiné. Et si je devais l'être un jour, ce serait la fin de mon âme déjà bouffie par la société.
Ma mère, forte et compréhensible, n'a jamais bronché à ce changement soudain. Elle a même fait l'effort d'apprendre la langue des signes avec moi pour me soutenir. C'était une mère admirable, vraiment.

Un jour, alors que je me promenais sagement dans un parc non-loin de ma maison, je fis la rencontre d'une de mes connaissances. Un ami d'enfance très embêtant et exécrable.
C'était sa faute si je n'étais jamais entré à Yuei et que j'avais abandonné tous mes rêves d'héros. Né sans alter, j'avais de l'espoir à revendre. Mais il me l'avait bouffé.

Je le salue, et passe près de lui, à la limite d'effleurer ma veste d'écolier avec la sienne, l'uniforme de Yuei.

« - Tu as changé, le nerd. »

Je m'arrête.
Mes surnoms n'avaient donc jamais disparus de sa tête. Celui qui avait assassiné tous mes rêves se tenait devant moi, la tête haute. Que devais-je faire ?
Rien. Je ne parlerai pas, plus jamais. Surtout pas à lui, Katsuki Bakugou, dont la voix est remplie d'horreurs humaines ! Cette langue noircies par des émotions écœurantes s'adressait à moi, l'ouïr en était déjà trop.

Sans un mot, sans une émotion, je me retourne et serre le poing contre mon cœur, en y faisant un signe circulaire. Un seul.
"Je suis désolé."

Je le regardai dans les yeux. Des yeux rouges, remplis de fierté à en déborder. Puis soudainement, il éclata de rire.

« - C'est quoi ça ? Un message secret ? »

Contrarié, je me courbai. La tête vers le bas, les mains posées sur mes genoux. Peut-être comprendrait-il plus facilement ainsi ?
Cette inclination permettait aux personnes de la vie de tous les jours de s'excuser par un geste, il devrait le comprendre.

Je me relevai et le fixai. Une expression déconcertée trônait sur son visage en quête de logique.
Dans un lourd soupir, je sortis mon calepin de la poche intérieure de ma veste et en décrocha le stylo qui était toujours avec.

Je lui tendis le mot que je venais d'écrire, en lui ajoutant un petit détail :
"Je m'exprime par papier ou par signe."

Telle fut sa stupeur ! Il déchira ma feuille qui vola au vent et rigola sous mon nez. Blessé, je me retournais dos à lui et avançais de plus belle.
Ça y est ! Je me sentais de nouveau rabaissé. C'était seulement la faute de cet homme si j'étais renfermé sur moi-même ainsi ? Tant de fois j'ai essayé de rencontrer des personnes sourdes ou malentendantes, de parler et de les soutenir... Mais mes espoirs se transformèrent tous en poussière. J'entendais tout, elles n'entendaient rien, je ne pouvais pas faire partie de leur monde.
Et les entendants ! Horreur, ils me dégoûtaient. Cela m'était rendu impossible de parler, d'avoir une discussion propre avec eux. Tout ce qu'ils disent veut automatiquement dire une chose totalement différente. Ça me fatigue, ce monde me fatigue.
Je n'ai ma place nulle part.

Recueil d'OS sur MHA. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant