danse mortuaire

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je sais pas quoi penser,
j'en ai trop à penser.
trop de peurs,
trop d'incertitudes,
trop de questionnements,
des milliers de réponses incomplètes qui tournent en rond, mais dont le partenaire fait juste marcher ses pieds sans jamais réussir à la faire la finale de l'esti de valse.

je sais, j'le vois.
j'le vois le monde autour qui danse bien, qui est rythmé, qui avance sur une même note, au même moment.
ils prennent l 'autobus, ils arrivent au bureau, ils travaillent, ils repartent.
et la ronde recommence, encore et encore, sans jamais faire un faux pas.
elle s'arrête et elle le reprend, avec des danseurs en moins, mais c'est normal ça l'air parce que personne s'inquiète.

ce qui est drôle la-dedans, c'est que j'me sens comme dans un jeu de la chaise musicale, où y'a juste moi qui a pas sa place.
avec ou sans musique, les autres sont là. j'les vois, mais j'me sens pas là.
j'me sens loin.
mouton solitaire emprisonné
dans un gouffre.
dans le noir total,
dans un noir sombre,
un noir dont la teinte n'a même pas sa place au Rona, dans l'allée de la peinture, parce que personne la voudrait de toute façon.

je suis perdue.
j'ai mal et l'espoir, il l'a oubliée sa lueur.
lui aussi, il est parti.
me laissant comme seul bouclier, ma tête qui ne combat pas bin fort.
je l'ai remarqué bien assez tôt que mes plasters y fallait que j'me les pose toute seule, mais dans le noir inconditionnel dans lequel je vis, j'suis même pas capable de reconnaître sont où mes blessures.
fack j'les cache du mieux que je peux,
j'me cache du mieux que je peux.
mais comme pour se venger, quand j'suis entourée
quand, enfin, y'a peut-être un peu de lueur qui se présente,
mes blessures, elles se remettent à danser.
sauf qu'elles ne se dévoilent pas dans une valse classique et élégante,
elles se sautent dessus.
elles hurlent.
elles grouillent partout.
elle se battent.
et au milieu de ce mushpit énorme, que sont mes pensées, j'me refais piétiner par toutes eux-autres.
incertitude, jalousie, peur, doute,
tous ces maux intérieurs qui se pavanent devant les flashs des caméras, quand la carapace se fend et éclate en morceaux.

j'me relèverais bien , mais j'ai appris que la vie, dans le fond, elle est là pour avoir une fin,
comme la danse et sa finale qui va bien finir par arriver.
ce n'est pas que danser, j'aime pas ça. c'est juste qu'après coup, la fin, elle, serait meilleure que ces événements épistolaires qui ne cessent de la précéder.
ils reçoivent pas d'applaudissements, eux. la finale, elle a tous les mérites, la gloire et les bouquets de fleurs parfumées aux espérances qu'on va jeter.
c'est toujours ça le plus impressionnant de toute façon,
la fin du doute.
la naissance du silence.
la mort des mots incompréhensibles qui se glissaient à travers les notes des partitions.
les foutues partitions,
gribouillées de connexions noires et blanches.
c'est un peu comme ça que je vois le monde,
noir ou blanc.
mort ou vivant.
heureux ou malheureux.
uni ou solitaire.
solitaire, c'est pas comme le ver.
c'est plus comme le silence constant qui m'enveloppe et qui me donne mal à la tête, tellement il est bruyant.
c'est une tonne de possibilités, des choix de vie, des décisions en changement définitif, à tenir sur mes épaules et j'peux vous dire que ça pèse lourd en criss.

j'ai de la misère à me concentrer pour trouver la beauté du soleil, à travers les nuages qui se chatouillent autour de moi. et y'a beau avoir les verres de terre qui sortent quand qu'il mouille bin fort,
moi, j'ai trouvé personne qui arrive quand que j'remplis des flaques d'eau.
enfant, j'pensais que ça serait plus facile, j'me disais que je n'aurais plus à sauter dedans, que j'pourrais passer par dessus, les enjamber avec mes ambitions, mais j'me rends compte qu'ayant perdu mon plaisir à jouer dedans, j'fais juste me noyer dans mes remords, sans pouvoir remonter à la surface.

dans ma tête, y'a comme un vide pesant qui est bin ancré.
je sais pas s 'il se prend pour un bateau, mais ses voiles sont pas bin forts, j'peux en témoigner.
les grosses vagues, j'les sens pis pour de vrai à part de ça, 
les tempêtes, elles laissent leurs traces. elles partent avec tout le mât, même pas capable de me laisser une petite structure pour me reconstruire.

j'avance doucement,
chaloupe dans l'océan.
et puis, sans prise, je me lance vers ce grand inconnu, bel avenir mystérieux,
pêcheur de rêves vivants.
avec mes doutes, mes peurs, mes projets oubliés, je me noie dans les bras de l'éternité.

Une vie, un rêve, une plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant