L'Autocrate

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Soudain, un cri venant de la table des garçons résonne dans le réfectoire. Un petit d'une dizaine d'années nommé Alfred est en train de tirer les cheveux de son voisin. Les gardes interviennent et les séparent.

 - Mais il m'a piqué mon pain, se plaint Alfred, il n'a pas le droit, c'est interdit !

 - Non, c'est pas vrai, je vous jure que j'ai pas fait ça. L'autre essaie de se défendre.

Il me fait presque pitié. Au Palais, on a une ration par personne, trois fois par jour. Ce n'est pas très bon et on en a pas beaucoup donc on ne gaspille pas et on mange. Les vols arrivent souvent mais ça m'étonnerait fort qu'un élémentaire de dix ans ait fait ça. Ils ont bien trop peur des sanctions. D'habitude, ce sont plutôt ceux de mon âge qui volent la nourriture de leurs camarades.

 Les bottes de l'Autocrate résonne dans le couloir, il arrive toujours au mauvais moment celui-là. En quelques secondes seulement il se poste devant les perturbateurs.

 - Alors, on se chamaille dans mon réfectoire ?

 Tout le monde se tait, c'est impressionnant l'autorité qu'il a, sans avoir à prononcer un mot . Le visage d'Alfred blêmit, on dirait qu'il va vomir. L’Autocrate s'approche encore plus :

 - Vous avez enfreint les règles, vous avez exprimez de la colère et du dégoût.

 Dans le Palais, nous n'avons pas le droit d'exprimer nos sentiments : pas le droit de pleurer, de rire, d'être en colère, joyeux ou triste sous peine d'une sanction – c'est en partie pour ça qu'il y a des caméras partout.

 - Vous savez ce qui arrive aux enfants désobéissant ? Reprend l'Autocrate d'une voix mielleuse, L'Exclusion !

 Il a crié quand il a prononçé le dernier mot. Maintenant, il rigole, très fort, en balançant la tête en arrière. Il me fait peur. Alfred et l'autre sont au bord des larmes, ils se retiennent tant qu'ils peuvent.

 - Emmenez-les ! Crie l'Autocrate aux gardes, qui s'exécutent, exclusion pendant deux jours !

 Je parcours la salle des yeux. Nous sommes comme des robots, sans bouger, la plupart ont les yeux rivés dans leur assiette. Veronica me donne un coup de coude.

 - Regarde là-bas, me dit-elle en chuchotant, c'est eux qui on volé le pain !

 Elle me désigne des garçons de notre âge. Un des leurs, Owen, tient le morceau de pain dans la main. Il fait parti de mon groupe d'entraînement lui-aussi. J'aurai dû m'en douter ! Quel bouffon celui-là, toujours prêt à se la montrer auprès de ses amis et à défier les règles. Lui, il a déjà goûté à l'Exclusion et à la Flagellation au moins une dizaine de fois et apparemment, il n'en a pas trop souffert.

 Les élèves qui reçoivent l'Exclusion sont enfermés dans une pièce sans fenêtre, contenant une paillasse et de quoi manger et boire. Cette punition peut durer aussi bien deux heures qu'un mois, tout dépend de la bêtise faite. La Flagellation est bien pire. L'élève reçoit deux à quinze coups de fouet dans le dos. La plupart succombe de leurs blessures pendant ou après la punition – ce n'est pas le cas d'Owen, même si j'aimerais bien des fois. Contrairement à l'Exclusion, tout le monde est obligé de regarder sans tourner de l’œil. Ces deux punitions permettent à l'Autocrate et à Madame, sa secrétaire adorée, de garder l'autorité et le pouvoir sans que personne ne les contredise.

 L'Autocrate s'avance vers une table un peu surélevé qui domine celles des élémentaires

- Ce matin, entraînement en salle A. Il sera agrémenté d'un petit test pour évaluer vos compétences. Je viendrais moi-même en assurer le bon fonctionnement cet après-midi. Bon courage à tous !

IncontrôlableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant