PROLOGUE

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"Nous étions les intrus et ils étaient de leur côté du Mur"


Présent

Face à nous, des dizaines d'individus étaient regroupés. Dans un même mouvement, leurs yeux se tournèrent dans notre direction. Leur visage resta dénué d'émotion, alors que je ne parvenais plus à reprendre mon souffle.

Comme si notre origine était écrite en plein milieu de notre front, la panique frappa la foule comme une bombe. Pourtant, la marque sur nos bras restait cachée. Ou alors, la radioactivité avait une odeur particulière à laquelle nous avions fini par nous accommoder sans le savoir. En tout cas, il était certain que nous n'étions pas les bienvenus ici.

Dans la cacophonie, la masse d'individus recula dans une vague désorganisée et prit la fuite. Alors que nous étions les intrus et qu'ils étaient de leur côté du Mur.

Sans attendre, Ren m'entraina sur le côté. Nous empruntâmes une nouvelle allée au hasard. Les cabanes défilèrent à toute vitesse sur les côtés, mais elles n'en finissaient pas d'apparaitre. Le peu de personnes qui se trouvait sur notre chemin s'écarta aussitôt, apeuré, alors que ma propre terreur me saisissait à la gorge.

-Appelle le Chef ! C'est une attaque ! On se fait attaquer ! m'assaillirent des voix de toutes parts.

Alors que je tournai la tête sur le côté, les doigts de Ren furent violemment arrachés des miens. Mon bras se tordit en arrière, heurtant quelque chose. Déséquilibrée, je roulai un peu plus loin.

Je redressai la tête aussitôt, jetant des regards affolés autour de moi. Ren. Où était passé Ren ? Les petites maisons s'étendaient à perte de vue et Ren avait disparu.

Hors d'haleine, je me relevai. Repris ma course dans la première direction qui s'offrait à moi. Je jetai des coups d'œil dans tous les sens. Ren était introuvable dans cette nuée de visages inconnus. Je tournai à un angle. Puis à un autre, dérapant dans la poussière. Mes mains s'éraflèrent dans les graviers, mais j'étais toujours debout.

-Attrapez-la !

Mon regard rebondissait sur tellement d'éléments qu'il ne savait pas sur lesquels s'attarder. Mais il ne se risqua pas à regarder en arrière.

Une autre voix, en contradiction avec la précédente, prévint :

-Il ne faut pas la toucher !

Les maisons étaient petites et les ruelles étroites, cet endroit était un vrai labyrinthe. Son créateur semblait avoir oublié d'y insérer une sortie. Peut-être qu'il y avait réellement une malédiction sur cette île.

Soudain, tout mon corps entra violemment en collision avec quelque chose devant lui et il s'écrasa sur le sol. Le choc remonta le long de mon échine et me fit fermer les yeux dans un hoquet de douleur.

Une ombre cacha le soleil et mes paupières se soulevèrent automatiquement. Mon regard tomba sur des jambes interminables avant de rencontrer un torse large puis une tête. Les rayons de soleil brûlaient cruellement mes pupilles, m'obligeant à détourner le regard avant d'avoir pu décoder l'expression du visage inconnu.

Je reculai à même le sol, formant un nuage de poussière. Mes yeux me piquèrent. La poussière en profita pour s'infiltrer dans ma gorge et une inspiration rauque s'en échappa. Ma tête tourna brusquement et je savais que si je ne parvenais pas à respirer correctement dans les prochaines secondes, j'étais fichue. Coincée à jamais dans cet endroit qui n'aurait pas dû exister.

L'inconnu s'agenouilla à quelques pas de moi. Je vis ses lèvres remuées en-dessous de son regard bleu azur. Pourtant, aucun mot ne parvenait à se détacher de cet amas de sons incompréhensibles. Mon instinct criait si fort que mes oreilles n'entendaient rien d'autres que ses ordres.

Il avança une main vers mon épaule. Je m'écartai. Me remis précipitamment sur mes pieds.

Je disparus dans une autre ruelle et manquai d'heurter une cabane au passage. En l'évitant, je rebondis sur celle d'en face. Le mur précaire bascula. Lorsque j'entendis les craquements de plastique derrière moi, je m'éloignai déjà.

Et je courus encore. Tout droit. Sans prêter attention aux cris alentours, ni à la douleur qui tiraillait mes jambes. Evitant avec peine les maisonnettes qui surgissaient de nulle part au milieu de l'allée. Il fallait courir. Trouver une sortie. S'enfuir de cet endroit maudit. Même si mes poumons étaient en feu.

Comme arrachées au paysage, les maisons disparurent brutalement, me donnant un second souffle. Mes oreilles sifflèrent. Il n'y avait plus que la terre, le ciel et mon corps qui fendait l'air sans pouvoir s'arrêter. Chaque inspiration tirait un peu plus sur mes poumons. Mon cœur battait si fort que les pensées s'entrechoquaient sous mon crâne. Je ne voyais que les premiers immeubles une bonne centaine de mètres plus loin et les routes soudainement goudronnées, remplaçant la terre sèche que mes chaussures martelaient.

Mon cerveau avait déjà enclenché le compte à rebours, torturé comme s'il s'attendait à recevoir une grenade tombée de nulle part, maintenant que j'étais à découvert au milieu d'un terrain vague.

Je m'engouffrai entre les immeubles à toute vitesse. Les routes droites et désertes se divisaient en des dizaines d'autres face à moi. Je ralentis, avant de totalement m'immobiliser. Je posai mes paumes à plat sur mes genoux, courbant le dos, dans une tentative vaine de reprendre plus rapidement mon souffle. Dans un coup d'œil par-dessus mon épaule, je constatai que personne ne m'avait suivi. Ni les habitants de cet endroit étrange. Ni Ren.

Puis, je donnai un regard circulaire au monde qui m'entourait. Les rayons du soleil étaient gardés à distance par les tours qui me surplombaient de leur immensité. Labyrinthe de pierres succédant aux allées tordues que je venais de quitter, cette ville allait s'avérer redoutable.

Et maintenant, j'étais seule contre la ville entière.

De l'Autre Côté du MurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant