J'ai finalement cédé. Je te l'ai envoyée. Cette 5ème lettre. Celle qui me tenait le plus à cœur. Je ne regrette pas. Enfin je crois. Ce que je regrette c'est ta réaction. J'ai voulu être franche. Je l'ai été. Et depuis, c'est très gênant entre nous. J'ai le sentiment que chacun évite l'autre, qu'on tourne autour du pot. Ce n'était pas du tout l'effet recherché. J'avais écrit ça en espérant répondre à toutes ces questions qui nous rongeaient. Ou du moins qui ME rongeaient. Aucune réponse de ta part. Seulement une brève allusion, vite fait. Donc je ne regrette pas mon geste, ni mes mots. Tout y était vraiment sincère. Mais je regrette que cette lettre nous ait éloignés alors que je croyais qu'elle mettrait juste les choses au clair.
Je l'avais pourtant lue et relue, pesant chacun de mes mots, tournant et retournant chaque formulation. Je voulais qu'aucune méprise ne soit possible, que tout soit clair comme de l'eau de roche. Il n'y avait rien entre les lignes (pour une fois), rien d'ambigu. Tout était franc, sincère et exactement comme je l'avais imaginé. Pourtant je crois que nous n'avons pas lu cette lettre avec le même regard et le même degré de sentiment. Nous n'en avons pas eu la même interprétation. Apparemment. Et j'en suis désolée. Maintenant que j'y pense, je crois que nous avons eu une approche très différente de tout. Ton rapport aux choses est loin d'être le mien. Je m'attarde sur tout, les détails, le choix des mots, le ton de la voix, l'expression du visage. Toi, tu sembles détaché de tout ça : tu n'y prêtes pas tant attention, ne te rappelle pas toujours de tout. Je suppose que c'est une histoire de caractère. D'éducation, peut-être ? En soi, peu importe.
On est donc finalement retombé dans cet état d'entre-deux. Cet état gênant où je ne sais plus trop ce qu'on représente l'un pour l'autre. Tout a toujours été très clair entre nous, rien de plus que de l'amitié. Mais une amitié n'est-elle pas basée sur la franchise des deux ? J'ai été franche, je ne le regrette pas, mais voilà où nous en sommes. Je veux continuer à croire que nous sommes amis. Puisque j'ai joué franc jeu avec toi, ''Eh bien, continuons." ...
''J'aimerais beaucoup me poser dans l'herbe avec toi, au milieu des arbres en fleur dont les branchages nous créeraient un petit coin ombragé, nous permettant de ne pas être gênés par les rayons du soleil. Et parler. De tout. De rien. De toi.''
Oui, parlons de toi. On a toujours parlé de moi, je me suis toujours confiée. Mais toi, tu restes toujours discret, évasif. Au final, ce n'est peut-être pas moi qui ai été trop franche, mais plutôt toi qui ne l'as pas été assez ...? Je n'ai rien à cacher, ou pas à toi. Et toi tu avais tout à garder. Parce que, peut-être, je n'étais pas la mieux placée. Je comprends. Je crois.
'' D'ici là, pourquoi pas même, entretenir une correspondance... Qu'avons-nous à perdre ?''
Moi, plus rien. Toi peut-être tout ...?
'' Je voudrais te donner rendez-vous dans 5 ans, quand nous aurons appris à mieux nous connaître à travers nos écrits, nos mots, nos formes de lettres, nos non-dits''
Puisque j'ai toujours aimé écrire. Que j'ai toujours aimé le toucher du papier et l'odeur de l'encre. Puisque j'ai toujours été plus franche dans mes écrits que dans mes paroles. Parce qu'il est toujours plus facile de se confier par l'écriture. Parce que comme ça, tu ne verras jamais mes sentiments sur mon visage : sourire, rire, et sûrement larmes.
5 ans, c'est ce qu'il nous faut pour atteindre nos rêves, nos rêves d'uniforme, de carrière. 5 ans, c'est aussi assez pour se perdre de vue et s'oublier. Maintenant, c'est à nous de savoir ce que l'on veut faire de ces 5 années. Et s'il nous faut plus de 5 ans...? Eh bien, repoussons le rendez-vous, continuons d'écrire.
''Je te donne donc rendez-vous sous ces arbres que je vois en rêve et qui attendent notre arrivée. 5 ans... comme la promesse d'un nouvel espoir. Je t'attendrai.''
J'espère que nous nous reverrons avant ces 5 ans. Brest, Versailles, Rome, ailleurs... les possibilités sont infinies ! Mais j'aime l'idée d'un rendez-vous. Fixe. Lointain. Qui nous laisse de l'espace et qui pourtant nous attache à une obligation, à des responsabilités.
La date et le lieu sont encore à fixer, même si j'ai déjà quelques idées. Mais je crois qu'en 5 ans, nous aurons le temps de nous mettre d'accord. Reste à savoir si tu veux le tenter. Je crois que ta réponse en dira long sur l'image que tu avais de notre amitié. Et c'est pour ça que je ne veux pas que tu répondes ce que j'ai envie d'entendre, ce qui me fera plaisir. Mais je veux que tu sois franc. Pour une fois.
(citation en italique : Je suis venue à toi, Julia Hernandez)
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Correspondances à sens unique...
Fiction généraleParce qu'il est des choses qui ne se disent pas, je les ai écrites. Mais puisque le courage me manque, je n'enverrais probablement jamais ces lettres... Des lettres de moi, à toi, mais qui ne quitteront pas ce tiroir où je les garde jalousement. Sau...