Chapitre quinze.

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Maeve regarda longuement les mains de Harry et releva peu à peu son regard sur ses bras, ses épaules, son cou, ses lèvres. Et lorsqu'elle voulut se confronter à ses iris vertes, elle constata qu'il avait la tête baissée et que les larmes venaient finir leur course sur son tee-shirt. Il disait la vérité. Il venait de lui révéler la vraie version de son histoire, le mensonge dans lequel il s'était engouffré mais malgré tout, Maeve ne parvenait pas à lui vouloir. Parce qu'il l'avait fait par amour. Parce qu'il était désespéré au point de braver tous les interdits.

La blonde se leva du canapé, prit l'enveloppe que tenait le châtain dans ses mains, et se dirigea lentement vers les escaliers, ne trouvant le courage de pleurer ou de lui hurler la déception qui envahissait tout son être. Elle avait tellement cru en lui et en ce qu'ils possédaient ensemble. Elle avait commencé à faire des projets, à envisager un avenir toujours avec lui à ses côtés et maintenant... Et maintenant ?

 

Maeve pénétra dans la chambre du châtain –leur chambre- et l'odeur de Harry la frappa de plein fouet. Elle retenue un sanglot et s'empara de la valise que Harry lui avait apporté quand elle se trouvait encore à l'hôpital. Elle prit l'ensemble de ses vêtements et les enferma dans la valise, prenant au passage un roman auquel elle ne prêta pas attention. Toutes ses pensées étaient dirigées vers Harry. La façon dont il prononçait son prénom, en accentuant sur le « M ». La façon dont il la serrait dans ses bras, comme pour la protéger du monde extérieur. Elle avait remarqué cela au festival, lorsque leurs corps s'étaient entrechoqués à cause du mouvement de foule, et qu'il avait resserré sa prise autour d'elle. Elle s'était sentie si bien à ce moment-là mais maintenant, elle avait l'impression que l'empreinte de ses doigts sur son corps la brûlait.

Maeve ferma la valise et rejoignit le salon où se trouvait encore Harry. Elle l'ignora et avança doucement jusque dans le hall. Rien de tout cela ne lui semblait réel. La seule personne qu'elle avait aimé se trouvait être la personne qui n'avait jamais fait partie de sa vie. Il n'existait pas pour elle, Harry lui avait dit qu'elle ne l'avait jamais remarqué. Comment avait-elle fait pour passer à côté de lui pendant tout ce temps, durant leur scolarité ? Pourquoi ne l'avait-elle pas aimé à l'époque ? C'aurait été tellement plus simple s'il avait eu le courage de venir la voir au lycée et elle, de daigner le regarder. Mieux que ça. Le voir. Lire à travers lui, deviner pour sa passion de la musique et plonger avec lui à cette époque. Mais il n'était jamais venu la voir. Et elle n'avait jamais su lire dans son âme. Et maintenant, elle se trouvait sur le pas de la porte, la main sur la poignée, à pleurer à chaudes larmes car la meilleure partie d'elle-même, c'était lui. Et il ne lui avait jamais appartenu.

Maeve aurait préférée lui en vouloir, le détester pour sa trahison mais elle lui trouvait toujours des excuses. Et ses explications continuaient de venir lui murmurer à l'oreille : « J'avais pas prévu tout ça mais j'étais amoureux de toi et c'était le seul moyen pour moi de t'avoir. » En justice, on appellerait sa trahison un « abus de faiblesse » mais elle ne voyait qu'une longue déclaration d'amour. Parce qu'il l'avait aimé. Malgré tous ses mensonges, ses manipulations et ses pièges, il l'aimait. Et c'était sans doute ce qu'il y avait de plus dur pour Maeve. Elle aurait préféré qu'il ne soit qu'un malade voulant profiter d'elle. Et lorsqu'elle ouvrit la porte pour quitter l'appartement de Harry, se remémorant tous les souvenirs de cette vie qui n'avait jamais été sienne, elle jeta un coup d'œil au musicien. Furtivement. Le temps d'un battement de cils. Et la dernière image qu'elle garderait de lui serait un corps recroquevillé sur un canapé, les larmes baignant ses joues dans la froideur d'une journée d'hiver.

Ripping out the pages.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant