Chapitre douze.

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Maeve regarda le faciès calme et endormi de Harry allongé à côté d'elle. Elle remonta le drap sur son épaule dénudée et se surprit à laisser sa main parcourir les traits fins de son visage. Elle détailla chacun de ses traits, chacune de ses imperfections qu'elle aimait tant à commencer par la cicatrice qu'il avait derrière l'oreille et dont elle ignorait l'origine. Personne ne devait y prêter attention –pas même le châtain- mais elle, elle savait qu'elle existait. Comme les grains de beauté qui avait été soufflé sur sa peau ou encore ses tatouages. Elle pouvait fermer les yeux et retrouver leur emplacement sans se tromper. Et pourtant, Harry continuait de lui échapper. Il avait fait graver une cage fermée sur sa peau et pourtant, il était un oiseau solitaire. Impossible à capturer.

- Bonjour...

Elle aimait sa voix grave le matin, lorsqu'il avait encore les yeux clos mais qu'il devinait qu'elle était réveillée, en train de le détailler. Comme lui le faisait lorsque les rôles s'inversaient. Et lorsqu'il décida d'ouvrir les yeux, la première chose qu'il put voir fût les yeux verts de la blonde. Un vert différent du sien. Plus discret, comme les feuilles des arbres avant que l'automne n'arrive et qu'elles tombent. Les siens, ils viraient au gris, comme le ciel qu'il put apercevoir depuis sa chambre. Il détestait l'Angleterre pour cette raison. La météo. Se retrouver coincer chez lui un jour de congé alors qu'il rêvait de montrer le monde à Maeve. Il y avait encore tellement de choses qu'il voulait lui faire découvrir avant qu'elle ne se rende compte de sa supercherie.

- Il pleut, se contenta-t-il de dire en s'enroulant dans la couverture.

- Oui, comme hier. Et avant-hier. Et le jour d'avant.

- Je déteste ça.

- Tu devrais songer à quitter Londres, alors.

Elle esquissa un sourire amusé alors que lui étudiait la chose. Ce n'était pas une mauvaise idée. Partir. Sa mère et sa sœur lui manqueraient certainement mais elles ne pourraient le forcer à rester ici, à vivre une vie qu'il détestait. Quant à Maeve, il sentait les murs se refermer autour de lui. Plus le temps passait, plus il sentait que les choses lui échappaient. Il avait pu lui inventer un semblant de passé pour ne pas qu'elle pose trop de questions mais maintenant, elle vivait sa propre vie. Elle avait ses propres réactions, un caractère dont il n'était pas responsable et quand elle se trouvait aussi près de lui, il n'arrivait plus à faire semblant. Il aurait dû se présenter comme un ami d'enfance lorsqu'il s'était rendu à l'hôpital, il aurait pu être proche d'elle sans pour autant en assumer les responsabilités. Au lieu de ça, il l'avait obligé à renoncer à une vie dont elle ignorait l'existence. Bien sûr qu'elle refusait de se souvenir de son passé puisque son présent avait des allures de perfection. Mais en dehors de cet appartement, une vie l'attendait. Avec une famille et des amis. Et un petit-ami, un vrai. Un qui n'avait pas dû profiter de l'amnésie de Maeve pour exister. Dans quelle merde s'était-il fourré ?

- Qu'est-ce que tu veux faire, aujourd'hui ? L'interrogea la blonde.

- Tu sais que je cale mes journées sur tes envies.

- Homme soumis, rit-elle avant de redevenir sérieuse et de lui demander, hésitante : Est-ce que je pourrais t'entendre chanter, aujourd'hui ?

Il répondit par la positive et resserra la couverture autour de lui mais cela ne l'empêcha pas d'avoir froid. Il comprit alors que cette froideur n'était pas dû à la mauvaise isolation de son appartement, ni même de l'humidité de dehors. C'était un autre type de froid, l'un de ceux qui l'habitait depuis des années et qui venait de refaire son apparition. Il était vide à l'intérieur, rongé par la solitude. Et il associait ce sentiment au froid. Parce que s'il devait se projeter quelque part, il s'imaginerait dans le grand nord canadien, seul avec lui-même. Un peu comme maintenant. Et Maeve ne se rendit compte de rien. Elle s'absenta. Cinq, dix, quinze minutes. Il avait perdu la notion du temps. Et lorsqu'elle revenue, elle tenait deux chocolats chauds entre ses mains. Elle tendit l'une des tasses à Harry et se posta au pied de son lit. Il lui laissa un peu plus de place et continua de garder le silence.

Ripping out the pages.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant