Chapitre quatorze.

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Maeve avait finalement retrouvé le parquet, préférant être en contact avec le sol et sentir les vibrations à chaque fois que le chanteur accentuait les notes à la guitare. Elle n'était pas une spécialiste en la matière, au contraire de Harry, mais elle aimait ressentir la musique, avoir l'impression que chacune des paroles énoncées par le rouquin la traversait et que sa guitare battait au rythme de son cœur. C'était un sentiment si agréable d'être ici, les yeux clos, à simplement apprécier le moment présent. Tous ses doutes et ses angoisses semblaient s'être envolés, ne laissant qu'un sentiment de plénitude. Maeve tâtonna le canapé contre lequel elle se trouvait appuyée et sourit inconsciemment lorsqu'elle trouva la main du châtain. Il embrassa leurs mains jointes alors qu'une nouvelle chanson commençait. Plus douce, cette fois-ci, mais pas moins profonde.

- Maeve... Commença Harry de sa voix grave avant qu'elle ne l'interrompe en se tournant vers lui, ses grands yeux verts le fixant.

- Mmh ?

- Je suis bien avec toi, se contenta-t-il de dire.

- Moi aussi.

Il lui sourit et secoua la tête lorsqu'elle se remit dans sa position initiale. Il n'allait jamais y arriver – c'était bien trop douloureux. Avec ses yeux de biches qui le regardaient comme s'il était ce qu'elle avait de plus précieux sur Terre. Et c'était sans doute le cas. Elle n'avait toujours pas autorisé sa mère à venir la visiter et ses amis étaient aux abonnés absents. Alors, ils vivaient dans leur cocon, loin de tout. Ils auraient aimé dire qu'ils vivaient d'amour et d'eau fraîche mais dans leur cas, ils vivaient surtout de chocolat chauds, de musique et de cigarettes. Maeve attrapa sa tasse et trempa à peine ses lèvres dans son breuvage avant de se concentrer sur Harry.

- Tu me dois une chanson.

- Je n'ai pas oublié, se contenta-t-il de dire en haussant les épaules.

Maeve se mordit la lèvre, soucieuse. Elle avait ce tic, ce geste nerveux qu'elle faisait à chaque fois qu'elle avait envie de dire quelque chose mais qu'elle avait peur de la réaction du musicien. Elle faisait tourner sa cuillère dans sa tasse à de nombreuses reprises en lui jetant de rapides coups d'œil. Jusqu'à ce qu'il comprenne. Mais aujourd'hui, il ne voyait pas que quelque chose la tracassait. Aussi, ce fût Maeve qui prit les devants et s'installa à côté de lui.

- J'ai pas mal réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie et j'ai pas envie de reprendre la fac, annonça-t-elle calmement. Peut-être qu'à l'époque, j'aimais vraiment ce que je faisais mais maintenant, quand je lis les cours que j'ai téléchargés, j'ai aucune envie de m'y remettre. J'ai pas envie d'apprendre tous ces faits historiques. Ce que je veux, c'est écrire. Je sais qu'on ne devient pas écrivain en allant à la fac mais j'aimerais prendre des cours de lettres et suivre des cours particuliers. J'ai lu sur internet que certaines librairies ouvrent leur porte le soir pour animer des groupes d'écriture et j'aimerais tenter ma chance. Je n'ai jamais rien écrit mais j'aimerais essayer. C'est ce que j'ai envie de faire de ma vie, maintenant.

Harry se mordit violemment l'intérieur de la joue. « Elle a des projets », songea-t-il alors qu'elle continuait de lui expliquer pourquoi elle a choisi cette voie. « Elle veut changer de vie, refaire des études et devenir écrivain. Maintenant, ça ne se joue plus qu'entre elle et moi. Je lui ai donné le moyen de prendre son envol et elle continue sa vie, avec moi à ses côtés. Et je vais lui couper les ailes en plein vol. Parce que j'ai été con. Et que je l'aime. »

- J'aimerais aussi laisser pousser mes cheveux, je pense que ça m'ira mieux. C'est pas pratique de les avoir au-dessus des épaules, je ne peux que...

- Faut que je te parle, Maeve.

Elle fronça les sourcils et hocha la tête en silence en voyant l'air sérieux du musicien. Délicatement, elle replaça une boucle et sourit en voyant son visage dégagé. Encore maintenant, elle avait du mal à croire que c'était son petit-ami. Elle le trouvait si beau et si gentil. Comment avait-il fait pour se contenter d'une fille aussi simple qu'elle dans sa vie ?

- Tu as le visage grave, murmura Maeve alors que leurs visages étaient étonnement proches, comme un peu plus tôt dans la matinée.

- C'est parce que j'ai quelque chose d'important à te dire.

- Si tu as prévu de me quitter, je préférerais que tu ne le dises pas. Je crois pas que je supporterais de l'entendre.

- C'est toi qui voudras rompre quand tu sauras la vérité.

Elle ne comprenait pas. Maeve resta sans voix, essayant de savoir sur quoi Harry avait-il pu mentir. Mais plus elle cherchait, plus sa mémoire lui jouait des tours. Il aurait pu lui cacher n'importe quoi, elle n'était pas en état de se souvenir.

- Ecoute-moi jusqu'au bout, d'accord ?

Elle hocha la tête alors qu'un frisson traversait son échine. Instinctivement, Harry attrapa sa main et lui fit un sourire encourageant. Il aurait tellement aimé goûter à ses lèvres à nouveau, juste le temps d'un baiser. Une deuxième fois. La dernière.

- J'étais pas assez intéressant pour te plaire donc j'ai inventé toute cette histoire, lança-t-il enfin en évitant de croiser les iris jades de la blonde. Tu es vraiment amnésique, tu as eu un accident de voiture mais je t'ai menti durant tout ce temps.

Doucement, Maeve détacha ses mains de celles de Harry et le regardait étrangement. Les pièces du puzzle étaient en train de se mettre en place de son esprit et les aveux du châtain ne faisaient que la déstabiliser un peu plus. Elle ne voulait pas y croire, elle refusait.

- On se connait vraiment, reprit le bouclé, on a été à l'école ensemble mais tu vois, toi tu brillais et moi je cherchais l'ombre. Je suis même pas sûr que dans ta « vie d'avant », tu te souvenais de moi. J'ai jamais été très beau, ni même intéressant. Je suis pas doué avec les mots donc je n'ai jamais osé venir te parler. Il reprit sa respiration et joua nerveusement avec ses doigts – tout était fait pour ne pas qu'il soit confronté au regard de Maeve. Quand j'ai su pour ton accident, j'ai accouru. J'avais pas prévu tout ça mais j'étais amoureux de toi et c'était le seul moyen pour moi de t'avoir. Et je sais que maintenant, tu me détestes et tu as toutes les raisons de le faire. J'ai gâché plus de deux mois de ta vie avec mes conneries. Je vais te dire toute la vérité, tout ce que je sais sur toi, du moins. Et si tu ne veux pas l'entendre de ma bouche, je t'ai écrit une lettre. 'Fin, c'est juste l'adresse de ton vrai copain et le numéro de tes parents. Je... Ce que j'ai fait est impardonnable mais je... Je voulais juste avoir une chance de faire partie de ta vie même si finalement, tout ça, ce n'était pas ta vie.

Ripping out the pages.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant