Chapitre 9 : Connexion

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Thenlan s'approche de moi après avoir remarqué que des larmes coulaient.

Je tremble comme une feuille. Pourquoi ?

- « Qu... Qu'est-ce qu'il se passe ? Je n'ai pas faiblit jusqu'à présent... Pourquoi tout à coup je frissonne sans raison ? »

Thenlan chuchote pour lui-même avec un léger sourire triste :

- « Sans raison hein...? »

Le renard se penche et m'examine.

- « Ormis les tremblements, tu ne ressens rien d'autre ?

- Si, j'ai comme un poids sur la poitrine et le cou... En plus, j'ai l'impression qu'on vient de m'assommer avec une bûche. »

Il se relève et regarde le cerf avec mélancolie.

- « J'ai une explication pour tes douleurs à la poitrine et au cou... »

Je le regarde, intriguée, et me relève difficilement.

- « Tu te rappelles quand je t'ai dit que les elfes ressentaient la douleur ?
"Ce poids", comme tu l'as dit, n'est rien d'autre que le résultat des blessures infligées au cerf.
En revanche je n'explique pas ton mal de tête. Plutôt inquiétant d'ailleurs...

- Donc ? Diagnostic ?

- Hyperempathie.

- Ah... »

Je peux quasiment palper l'entaille sur mon propre cou. C'est assez effrayant.

- « Pourquoi je n'ai jamais ressenti cette forme de douleur avant ?

- On peut supposer que la présence abondante des végétaux et des animaux à permis une reconnexion avec la nature jusqu'alors impossible dans Unitegaïa, me répond rapidement Thenlan, visiblement distrait. »

Vivre dans la forêt est donc à double tranchant pour un elfe...

- « Il n'y a pas un moyen de faire disparaître ces douleurs ? C'est pas que je souffre hein, mais bon...

- Tu ne peux pas rompre la connexion au risque de perdre ton identité. En revanche on enseignait autrefois la manière de contrôler ce surplus d'empathie.

- Vraiment ? J'imagine que c'est plus un travail de concentration que d'exercice physique. Qu'est ce qu'il faut faire exactement ? »

Ma question s'envole dans le vide. Thenlan n'est absolument plus attentif à mes paroles et semble chercher quelque chose du regard, un peu méfiant.
Depuis tout à l'heure il s'agite sans même me regarder quand je parle.

- « Hé ho ! Tu m'écoutes ?

- Mmmh ? Oh pardon ! Pour le faire cuire correctement il faut le faire tourner lentement au dessus du feu. »

Il n'est toujours pas concentré sur ce que je dis.

- « Et j'imagine que tu rajoutes des herbes ?

- Ah non surtout pas, tu peux en mettre mais seulement une fois la cuisson terminé. »

Il tourne la tête brusquement.

- « Attends... Quoi ?

- Tu m'expliquais quel entraînement suivre pour contrôler l'hyperempathie.

- Ah oui ! En fait, c'est un mélange de médiation et d'exercices réel. Les deux sont nécessaires pour apprendre à réguler tout un tas de paramètres. »

Le zoomorphien cligne des yeux, visiblement perdu.

- « Mais... Je ne t'ai pas donné la technique de cuisson du cerf un peu plus tôt ?

- Si.

- Et tu ne me l'a pas...

- J'attendais que tu t'en rende compte tout seul. »

Thenlan se frotte l'arrière de la tête, honteux et désemparé.
Il se met à rire nerveusement.

- « Quel idiot...! »

En pouffant discrètement de mon côté, je demande :

- « Bon, sinon je peux savoir ce qui t'a autant distrait ? »

Il me répond du tac au tac, reprenant son sérieux.

- « Ton mal de tête. »

Son air est si grave que je ne cherche même pas à plaisanter.

- « Il y a une signification particulière ?

- Quelqu'un ou quelque chose est blessé à la tête. Ou ne vas pas tarder à l'être...

- Ne vas pas tarder ?

- Oui. »

Et... ?
C'est tout ?

J'attends l'explication qui est sensé suivre... mais rien ne vient.
Le renard est trop occupé à humer l'air pour essayer de sentir une quelconque présence. Mon ignorance lui importe peu pour le moment.

De toute façon je finirai par savoir.

Soudain, un craquement sourd se fait entendre.

- « À couvert !! Crie Thenlan »

Il se jette sur moi et me propulse dans un buisson, évitant de justesse l'énorme branche qui s'écrase sur le sol.
Pour qu'un morceau de bois pareil se détache de son arbre, il faut une sacré force. Je me demande ce qui l'a faite tomber.

- « C'est pas passé loin, affirme le renard en sortant du buisson. »

Il marche alors vers la branche pour l'examiner. Au même moment, ma tête me lance atrocement.

Un autre craquement, une autre branche, mais cette fois plus petite.
Elle vient finir sa chute sur le crâne du zoomorphien.
Largement de quoi l'étourdir. Si bien que Thenlan fini par s'asseoir par terre.

Je me dirige vers lui et constate qu'une bosse orne le sommet de sa tête.

- « Woah... Ça tourne... Déclare Thenlan

- Euh... ça va ? »

Après avoir repris ses esprits il se lève et me répond :

- « Ça pourrait aller mieux... Mais ne t'en fait pas, j'ai la tête dure !  »

Ma migraine persiste.

- « Mais tu as mal. Je le sais. »

Il reprend son sérieux à l'issue de cette phrase et me regarde droit dans les yeux.
Mais ne répond pas.

L'Hyperempathie...

Il le sait... j'ai compris. Sa douleur est la mienne.

Fonctionne aussi sur Thenlan...
Et n'a pas de limite de temps.

La Sphère VégétaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant