Je comprends ces regards. Ces regards qui veulent dire tant de choses. Je m'en souviens. Je tombe comme dans un puits sans fond où tout est analysé, décortiqué, pour qu'au final, je finisse plus déçu qu'autre chose. Déçu de quoi ? De mon comportement que je viens à peine de commencer à mépriser, de cet égoïsme sans fin dont je fais preuve. Le pire étant que je ne m'en suis pas rendu compte. Je me sens si démuni, là, devant la réalité, la vérité sur moi-même que j'avais souvent refusée d'accepter, de comprendre, de voir.
Je m'allonge sur le canapé du salon, les bras croisés derrière la tête, les pieds sur le rebord opposé, les yeux scrutant cette petite tache noir du plafond. Plus rien ne m'importe, je demeure là, immobile, je ne sais combien de temps. Une minute ? Cinq ? Trente ? Deux heures ? Quatre ? Je ne veux pas savoir. Je ne veux pas savoir non plus pourquoi la nuit tombe si vite. Le ciel s'assombrit, la pièce devient si obscure que je ne vois plus mes orteils. Je ne vois plus mes jambes. Je ne vois plus rien. Et pourtant je n'ai pas peur. Je ne suis pas effrayé par l'inconnu. La noirceur de la maison me détend presque. Je me perds dans mes pensées avant de tomber dans un sommeil sans rêve.
Mes paupières se dissocient à nouveau sans que je n'éprouve ce sentiment de repos après le réveil. Je suis calme et affreusement vide. C'est d'un pas lent que je me déplace vers la cuisine, ignorant les crampes qui me prennent les jambes. Je bois mon café sans goût avant de sortir dans la rue déserte. Il n'y a pas de bruit ou du moins je ne le perçois pas. Je marche loin, je marche sans but, par pur instinct. Tel un automate.
Je n'entends même pas la voix d'Hoseok qui m'appelle au bout de la rue. Je m'arrête devant lui comme je l'aurais aisément fait devant une barrière de métal. Je scrute les alentours d'un œil vide avant de comprendre enfin où je me trouve. Reportant mon attention sur mon meilleur ami, je l'observe. Son lacet est défait, sa chemise froissée dont il manque un bouton.
Mes sourcils se froncent une fraction de seconde avant de faire comme si de rien n'était. Mais ça me perturbe et je crains qu'il ne perçoive mon changement. Mais il n'en est rien et il sourit comme toujours. Pourtant, une impression me chiffonne. Ce n'est pas comme d'habitude. Un étrange malaise s'installe entre nous deux. Je recule d'un minuscule pas. Je sens ma dent appuyer sur ma lèvre inférieure. Elle la compresse, une douce pression qui se fait douloureuse. Mais pas autant que ma constatation, que ce que je comprends.
Pourquoi me prend-t-on pour un connard alors que lui ose se tenir devant moi avec un sourire ? Pourquoi ? Je ne comprends pas, je ne le cerne pas. A quoi joue-t-il ? Veut-il attiser ma colère ? Et bien, c'est déjà le cas.
Mais au lieu de lui sauter au cou pour l'égorger comme me le hurle mon cœur, ma conscience m'arrête et me fait sourire. J'ai rarement souri aussi hypocritement. Mais je n'y peux rien. C'est de sa faute. Il me tire le bras et me fait m'asseoir à ses côtés sur les marches de l'immeuble dont il vient de sortir. On reste là, sans parler, sachant lui comme moi que je sais. Je sais pour eux. Il doit avoir peur de ma réaction mais il ne le montre pas. Il me connaît, il sait de quoi je suis capable.
Il sait comment je suis. Alors que moi, je n'aurais jamais soupçonné qu'il puisse me faire ça. Je ne l'aurais jamais cru. Et pourtant ça s'est véritablement passé. Les preuves sont là. Au delà de mon envie de comprendre, la jalousie est plus forte. Pourtant, je me contiens et pose une question au hasard. Il semble désarçonné. Moi-même, je le suis. Comment ai-je pu ne pas le remarquer avant ? Symbole de ce que j'observe uniquement : je ne vois que ce que je veux.
— Mon plâtre ? Bah je l'ai enlevé, m'affirme-t-il comme si c'était parfaitement normal.
Mais la réponse ne me satisfait pas et je réfléchis à toute vitesse, quitte à en oublier ma colère.
— Mais ça fait combien de temps que tu l'as ?
Il ouvre la bouche et semble dire quelque chose mais je ne comprends rien, ou plutôt je ne l'entends pas
— Hein ?
Ma voix résonne comme dans le vide.
Une sorte de grésillement m'emplit l'esprit et m'empêche de percevoir les sons. Les rouages du temps semblent s'être stoppés, ma tête tourne et lorsque je rouvre mes yeux, je suis sur mon canapé. La bouche pâteuse, je prends la direction de la cuisine et attrape la tasse à demi remplie de café froid, ne comprenant toujours pas ce qui vient de se passer. Un léger trouble occupe mon cerveau, si bien que je reste de longues minutes à ne rien faire, dormant presque debout. Je m'assois sur une chaise et fixe, la tête embrumée, les arbres sans feuilles qui se balancent au rythme du vent, à travers la buée de la vitre.
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Trompe Tombe [Taegi]
FanfictionUne soirée bien arrosée. Deux personnes rentrant en voiture. Et un accident. Il ne suffit que de ça pour changer beaucoup de choses.