La première fois que Jolan de Barbon, héritier du trône de France, rencontra Brunehilde Leroy, roturière invétérée et magouilleuse à ses heures perdues, elle lui fit un doigt d'honneur.
C'était un mois environ après la rentrée des classes. Le lycée Albert le Grand accueillait en son sein une nouvelle élève en terminale S. Cela avait fait se soulever quelques sourcils bien épilés : ce n'était pas courant qu'une fille sortie d'on ne savait trop où parvenait à arracher une place dans un établissement si prestigieux.
Cependant, ce qui avait attiré l'attention du prince, ce n'était pas sa nouveauté. C'était ses cheveux. Ils étaient d'un rose bonbon criard. Cela tranchait d'une manière presque obscène avec ceux des enfants de bonne famille qui séjournaient dans ce lieu séculaire. Et on pouvait dire que la jeune fille les portait avec une assurance insolente. Elle se moquait de toutes les œillades curieuses ou bien réprobatrices qui pouvaient lui être lancées.
Il l'avait gardée à l'œil alors qu'elle était placée dans la même classe que lui, deux rangs derrière, près du radiateur. Elle ne participait jamais en cours, se contentant de (faire semblant de) travailler. Jolan avait parfois été tenté de la faire sortir de sa solitude. Elle n'avait pas l'air méchante, juste un peu renfermée. Elle ne parlait qu'avec quelques personnes, de temps en temps.
Il avait déjà un groupe d'amis fidèles, néanmoins, il n'était jamais contre en rajouter un à la liste.
Et ce fut un samedi après-midi où il jouait au croquet en tout bien tout honneur avec ses compagnons, qu'il rentra pour la première fois en contact avec l'animal.
Enfin, ce fut plutôt une boule en bois qui rentra en contact avec le crâne de la jeune fille qui lisait une trentaine de mètres plus loin, dans l'herbe verte qui entourait le pensionnat. Alors qu'il allait s'excuser platement, après avoir entendu le cri de surprise et de douleur, il fut stoppé par un tir qui passa à quelques millimètres de son oreille.
Le projectile heurta avec une telle brutalité les arceaux disposés plus loin que ceux-ci furent arracher de leur prise, sous les yeux ahuris des jeunes hommes. Leur maillet leur en tomba presque des mains.
Comme si cette démonstration ne suffisait pas, ils entendirent quelques secondes plus tard Brunehilde hurler d'une voix qui était tout sauf distinguée :
« La prochaine fois, vous viserez mieux ! Incapables ! Boys-band en carton ! »
Et sur ce, elle fit un doigt d'honneur au prince avant de s'éloigner d'un pas vengeur vers le magnifique bâtiment en pierre où se trouvaient les dortoirs.
On pouvait dire que la curiosité de Jolan avait été sévèrement entamée ce jour-là.
Alors comment, après une entrée en matière aussicatastrophique, Jolan en était-il arrivé à l'inviter au gala de fin d'année ? C'était un mystère qui valait bien le coup d'être résolu.
Publié le 22/06/2018.
VOUS LISEZ
Fuck you, royalement vôtre
ChickLitLa première fois que Jolan de Barbon, héritier du trône de France, rencontra Brunehilde Leroy, roturière invétérée et magouilleuse à ses heures perdues, elle lui fit un doigt d'honneur. Alors comment, après une entrée en matière aussi catastrophique...