3. Sixtine, détective de l'extrême en formation

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« Tu es avec le prince en physique-chimie... »

Ce fut la première phrase que Sixtine prononça à la pause, lorsqu'elle retrouva Brunehilde. Qui ne voulait pas être retrouvée. Toutefois, l'autre était, comme dit précédemment, très persévérante.

« Peut-être bien, répondit la jeune fille aux cheveux roses de manière laconique.

- Je suis deux rangs derrière toi en cours.

- Et qu'est-ce que ça peut me faire au juste ? »

Brunehilde haussa un sourcil : est-ce que sa camarade sous-entendait ce qu'elle croyait ? Si c'était le cas, elle était encore plus stupide qu'elle ne le pensait. Et cela voulait beaucoup dire.

« Il t'intéresse ? »

Bingo. Elle avait bien deviné les intentions de la mère cancan de terminale. Il lui fallait prendre une décision très rapidement à partir de cet instant. C'était le lycée : tout allait très vite. La moindre petite chose devenait un drama sans précédent, les jeunes se jetant à la gorge des uns des autres et s'arrêtant par manque d'intérêt. Jusqu'au prochain écart. Les réputations étaient faites puis ruinées. Qu'ils soient riches ou non, les adolescents étaient tous les mêmes. Même s'il était possible que ceux nés avec une cuillère en argent (voire en or ou en platine) possèdent un côté encore plus vicieux sous leur sourire fallacieux.

Et ça, c'était le type d'occasion qu'elle attendait. Pourquoi ? Parce qu'au milieu de ces requins, Brunehilde était une orque.

« Pas du tout, répondit-elle d'un ton très calme. Il préfère les erlenmeyers aux fioles jaugées : ça ne pourra jamais marcher entre nous. »

Elle eut l'air peu convaincue. Ce n'était pas si étonnant : peu de personnes avaient le niveau nécessaire pour comprendre l'importance du choix de la verrerie dans les relations amoureuses. Mais ce n'était pas le moment pour un cours sur le sujet. C'était celui de placer ses pions.

« Mais... j'ai remarqué quelque chose...

– Quoi ? »

C'était comme si elle avait appuyé sur le bouton « alerte » dans la tête de Sixtine. Cela sentait beaucoup trop le ragot pour ne pas avoir l'eau à la bouche. Et elle n'avait pas suffisamment de volonté (en plus de n'en avoir pas envie) pour y résister.

« Jessica ne sortait pas avec Jolan ?

- Elle est toujours avec lui aux dernières nouvelles. C'est peu le vieux couple ici. C'est limite s'ils ne sont pas ensemble depuis la maternelle.

- Je me serais sans doute très vite lassée à leur place.

- Ce sont des modèles de perfection : beaux, riches, nobles, intelligents, gentils... Qu'est-ce qu'ils pourraient demander de plus ? Je veux dire : il y a de très grandes chances pour que Jessica finisse reine à ses côtés. Mais pourquoi tu me dis ça ? Jalouse ?

– Non. C'est juste que je l'avais vu très proche avec un brun... comment il s'appelle déjà... continua-t-elle faussement songeuse parce qu'elle avait appris le prénom de tous les élèves de sa classe le premier jour de la rentrée. Alto. Alto, voilà. Et comme je ne la vois pas trop avec le prince, j'ai cru que...

– Alto ? C'est le meilleur ami de Jessica. Aux dernières nouvelles, il n'y a rien entre eux. Et je ne vois pas Jessica tromper son copain. Ça ne lui ressemble pas du tout. Elle est bien trop honnête pour ça. »

De Jolibois était-elle donc si parfaite que même ceux qui prenaient un malin plaisir à se repaitre des malheurs des autres n'avaient pas ici le cœur à ça ? Cette fille devait être tout bonnement incroyable. Quel dommage que Brunehilde avait décidé qu'elle ne l'aimait pas. Une cible à abattre.

Brunehilde n'était pas quelqu'un de bien. Mais le pire dans tout ça, c'était qu'elle s'en moquait totalement. Tout le monde n'avait pas les moyens d'avoir des remords.

« C'est pas à ce qu'a l'air de croire Jolan...

- Comment ça ?

- Bah, lorsqu'on était en cours, il n'avait pas la tête de quelqu'un qui apprécie les attentions qui étaient portées à sa copine par Alto... J'avais presque l'impression qu'il était... jaloux. »

Voilà. Le mot était lâché. Il allait maintenant se loger dans l'esprit de Sixtine et ne plus en ressortir. C'était bien l'objectif. Si elle avait semblé être quelque peu intimidée par l'aura de noblesse de Jolan, Brunehilde allait l'aider à passer outre. Elle aurait dû être remerciée pour son travail.

« Vraiment ?

- C'est ce que j'ai remarqué en tout cas. Mais j'hallucine peut-être. Je ne les connais pas, après tout, oublie ce que j'ai dit. »

Sixtine allait bien évidemment tout faire sauf oublier. Elle semblait même beaucoup trop pensive pour être honnête. Ce genre de rumeurs si croustillantes ne pouvait que coller à l'esprit. La jeune femme aux cheveux roses espérait bien qu'elle aurait bientôt un retour sur investissement en la forme d'un travail d'enquête minutieux que sa camarade voudrait partager avec quelqu'un qui la croirait sans mal. Brunehilde était toujours prête à écouter les gens lorsque cela lui était utile. 


Publié le 06/11/2018.

Fuck you, royalement vôtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant