4

44 8 7
                                    




Quelques jours plus tard, alors que j'allais au lycée, un garçon assez mystérieux est venu m'accoster. Je ne le connaissais pas, je ne l'avais jamais vu avant ce jour-là, et pourtant j'avais l'impression de le connaître depuis toujours. Petit regard vers ma montre, 8h15, je réfléchis ... J'ai 10 minutes pas plus à lui accorder.

Depuis petite, j'ai le don de déchiffrer la personnalité de mon entourage en un simple regard, mais en lui, je ne voyais rien. Vêtu essentiellement de noir, ses yeux verts ressortaient comme une pépite d'or dans une rivière. L'avait-il fait exprès ?



- T'as pas une clope ?


Voilà les premiers mots qu'il me dit. Sa voix virile et sans politesse me mis en colère.



- J'ai l'air de fumer ?

- Oh, je vois, la petite coincée du Bahut se rebelle.


Coincée, ce sont bien les mots qu'il a prononcés. Je veux bien admettre que je ne suis pas énormément ouverte d'esprit, mais comment pouvait-il savoir une chose pareille et comment pouvait-il avoir l'audace de me le dire en face.


- Moi, coincée ? Je ne crois pas que tu me connaisses ! Je ne t'ai jamais vu ici, j'en conclus donc que tu n'es pas de ce lycée . Rentre chez toi, tu n'es pas le bienvenu !

- Dur.. Sévère.. Mais tellement sexy !

- Pardon ?!

- Prouve le-moi, je te mets au défis.

- Qu'es sque tu dis ?!

- Je parie que tu n'est pas capable de me suivre dans un super endroit.

Analyse de la situation en cours ... Suivre un garçon mystérieux, impoli et que je ne connais pas ... Ou aller en cours, en toute sécurité.



- Qu'est ce qui me dit que tu n'a pas l'intention de me violer ?

- J'en était sur ..

Il tourne les talons et commence à partir.

Les mots de ma mère se percutaient dans ma tête.

« Tu es encore jeune et jolie, tu as l'avenir devant toi. »

« Il y a des gens qui s'en foutent que tu ailles mal. »

Oui c'est vrai, je suis sûre que personne ne remarquerait mon absence, car aux yeux du monde, je ne suis qu'une erreur. Et pour la première fois, j'avais l'impression d'exister réellement aux yeux de ce garçon.

Je finis part le rattraper

- OK, je te suis. Mais je t'interdis de dire que je suis coincée ! Dis-je essoufflée.

- OK la princesse, du calme !


Certes je n'aurais sans doute pas dû le suivre, mais je voulais, - sans même savoir pourquoi - montrer au monde que je vaux la peine d'exister, que je peux moi aussi faire des choses insensées. Oui vraiment je suis folle. Mais qui vit paisiblement, sans une petite partie de folie cachée en soi ?

Donc me voilà, partie avec un inconnu dans un endroit que je ne connais pas.

     J'ai l'impression que cela fesait des heures que nous marchions, moi, tout comme lui étions totalement épuisés. Regard vers ma montre, 9h20.

Ma mère avait dû recevoir un message comme quoi je n'étais pas présente au cours de madame Beauvin, j'avoue que cela m'arrangeait un peu, c'est une peau-de-vache, elle ne m'aime pas et je ne l'aime pas non plus.

     Il s'appelle Tom, il aime la musique et déteste lire. Il m'a avoué que sa passion pour le noir était tout simplement une manière d'être invisible et que c'était important pour lui.

     Quand nous sommes arrivés en haut, l'air était bien plus respirable, le vent soufflait tellement que mes longs cheveux virevoltaient dans tous les sens. Après m'être débattue tant bien que mal avec mes mèches, j'ai pu apercevoir la plus belle chose de ma vie . Le ciel vu d'en haut. Nous étions montés tellement haut, que nous avions dépassés les nuages. De ce fait, je voyais le monde minuscule, et à mes pieds.



- Tu vois princesse, c'est ça, la vie.


Je savais que ce surnom était totalement ironique et même quelque peu méchant.. Mais à chaque fois que ce mot sortait de sa bouche, j'étais sur un nuage. Il m'avait dit cette phrase sans même me laisser un regard, il était plongé dans l'immensité du monde. Dans ses yeux, je pouvais voir le reflet de la vue qu'on admirait depuis quelques minutes.

Je me tourne vers lui brusquement prête à lui lancer une fois de plus un commentaire sarcastique, mais au lieu de ça, je déclare :


- Honnêtement, je ne savais pas que tu en avais un.


Il fronça les sourcils, prêt à riposter. Puis finit par dire.


- Que j'avais quoi ?

- Un cœur.


Je m'attendais à ce qu'il s'énerve contre moi. Mais au lieu de ça, rien. Il baissa la tête avec un petit sourire en coin, puis l'a releva. Ses yeux verts étaient bien plus beau qu'à notre rencontre, son regard était plongé dans le mien, je pouvais même me voir, les cheveux en batailles et le mascara coulant. Pendant une seconde j'eus honte, honte de ne pas ressembler à une de ses filles parfaites. Je le détestais, mais j'aimais plus que tout le détester.

     En redescendant, le vent soufflait bien trop fort, il était glacial. Sans même que je dise un mot, Tom enleva son pull gris, et le posa sur mes épaules. Il était chaud et avait son odeur. Pourquoi était-il si doux et attentionné ? Je le regarde, pleins d'interrogation..


- Tu avais l'air d'avoir froid.


Sans me laisser le temps de répondre, il avait reprit chemin, me laissant derrière lui, seule avec toutes ces questions en tête.

     Il était maintenant 12h45. Je n'avais rien mangé depuis hier soir et mon ventre commençait à me le faire ressentir. J'ai décliné son invitation au restaurant et je suis directement rentrée chez moi. De toute manière, ma mère ne devrait pas montrer le bout de son nez avant 18h00.



----------------------------------------

    19H20, ma mère n'était toujours pas rentrée, alors que je m'apprêtais à commander sushis, je reçus un message.

« Maman : J'arrive avec Paul, on ramène à manger, petit repas en famille ? »

Paul, c'est son nouveau copain, ça fais 1 an qu'ils sont ensemble, et pour moi, c'est comme un deuxième père. Je suis heureuse quand il vient à la maison, ça détend l'atmosphère et surtout ça détend ma mère, je ne sais pas si je dois bien le prendre, mais quand il est présent, ma mère ne fait que sourire. C'est différent quand il n'est pas là. Elle ne parle pas, elle reste tard au travail et rentre la nuit quand je dors. Paul me fait rire, il a toujours une blague à raconter, mais ce soir là je n'en avais pas le cœur. La culpabilité me rongeait. Pour la première fois j'ai séché les cours, suivi un inconnu et menti à ma mère. C'est beaucoup trop. Devoir la regarder dans les yeux, lui parler et lui cacher mon sourire de nervosité. Je ne pouvais pas.

« Moi : Trop tard, déjà mangée. J'ai un gros devoir pour demain. »

De toute évidence, c'était faux.

AliceWhere stories live. Discover now