Les Grands Travaux - Partie 2

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Je ne m'assis pas, mais il m'expliqua quand même : « la Chine est une grande puissance ; là-dessus tout le monde est d'accord. Ils ont un potentiel démographique, militaire et économique phénoménal. Il aimait ce mot, phénoménal. Il fallait l'entendre le dire en roulant les L.

Il reprenait sa démonstration. Et s'ils sontaussi cachottiers sur leur puissance militaire, qu'ils ne le sont pour tout le reste, alors ils doivent avoir au moins le double du potentiel qu'on leur imagine. Phénoménal j'te dis, phé-no-mé-nal ! J'acquiesçais devant une mise en scène aussi théâtrale, aussi... phénoménale !

Mais Tonton Coco, je ne comprends toujours pas pourquoi ils viennent ici perdre leur temps plutôt que d'aller conquérir le monde. Attends petit, tu vas trop vite en besogne.Une telle puissance ne peut pas être contenue dans les frontières chinoises, surtout avec un milliard de bouches à nourrir, on est bien d'accord ? On est d'accord répondais-je. Il faut donc regarder ailleurs. En Afrique ? Non merci ! En Europe ? Après vous Monsieur !

S'ils sont aussi puissants, conquérir l'Europe ne doit pas être bien compliqué, demandais-je crédule. Pas plus que l'invasion de la France par l'Allemagne en quarante. Le vieux continent dispose certes d'armées modernes, mais pas du réservoir de troupes nécessaire pour faire face à la Chine. On parle d'un milliard de Chinois. Un-mi-lliard ! T'imagines ? Comment veux-tu résister à ça, surtout si leurs copains russes se joignent à eux ? J'avais l'impression qu'il disait une chose puis son contraire. Ça commençait à m'exaspérer.

Mais dans ce cas, pourquoi n'attaquent-ils donc pas ? demandais-je, minant d'être convaincu par son argumentaire. Eh bien parce qu'il y'a en Afrique, le réservoir de troupes qu'il n'y a pas en Europe. Un bon milliard de bons à rien qui viendront au secours des Occidentaux au moment même où les Chinois bougeront le petit doigt. Il est là le réservoir de troupes.

Ah ! disais-je, ayant enfin compris. Ah ! répéta-t-il, personne n'y pense à ça ! C'est la raison principale pour laquelle ils sont là. Les affaires, la coopération tout ça c'est de la poudre aux yeux. C'est juste pour nous brosser dans le sens du poil, et si ça rapporte quelques milliards, tant mieux !

Ayant un public qui lui semblait acquis, il continuait à brasser du vent : réfléchis bien, il y'a trente ans, les Africains se seraient lancés avec les Européens dans n'importe quelle guerre contre la Chine. Aujourd'hui, les Africains iraient encore, mais en faisant la moue. Attends encore 10 ans prédisait-il et les Chinois pourraient envahir le monde entier, qu'ils auraient la bénédiction de l'Afrique. Le monde entier je te dis ! Phénoménal, qu'il répétait !

Nous sommes les faiseurs de rois,qu'il me criait presque ; et personne ne s'en rend compte ici. Pourquoi sinon crois-tu que les Occidentaux nous filent de temps en temps quelques millions pour l'aide au développement ou font amende honorable sur l'esclavage, la colonisation et toutes ces conneries dont plus personne n'en a quelque chose à cirer ? C'est parce qu'ils sentent le vent tourner.

Ça se tenait son histoire. Que nous demeurions des bons à rien ne les gêne pas, tant que nous sommes capables de mourir honorablement sur le champ de bataille le moment venu. Ah ! fis-je. Ah me répondit-il, pas bête hein ! rajoutât-il. Pas bête, répondis-je ! J'étais en retard pour mon rendez-vous et il fallait que je trouve un moyen de mettre fin à cette conversation. Mais il était lancé tel un taxi-brousse, c'est-à-dire sans freins.

Quand Hitler était en train de sérieusement leur mettre sur la gueule à tous là, qui est-ce qu'ils sont venus voir ? Les Américains lui avais-je répondu, décidément pas perspicace ce jour-là. Les Américains ? Ils n'en avaient pas grand-chose à faire de cette guerre d'Européens au début. La première chose qu'ils se sont empressés de faire c'est de crier bien fort qu'ils n'avaient rien à avoir là-dedans (au cas où les allemands auraient un doute), mais qu'ils vendaient quand même des armes et des munitions à tous ceux qui voulaient se mettre sur la gueule.

La gueule de leur mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant