Les Grands Travaux - Partie 4

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La commodité voudrait que ce soient les Juifs. C'est toujours la faute des juifs quand ça merde quelque part. On dit ça et après c'est plus facile de les exterminer, une autre idée fixe d'une bonne partie de l'humanité... j'ai jamais compris pourquoi. Il se peut même que ce soit moins pour allumer un brasier au Proche-Orient que pour se débarrasser d'une envie pressante de meurtre de masse que les Européens avaient validé la création d'un État hébreu à un endroit qui sentait le souffre à plein nez.

Mais les juifs étaient-semble-t-il-en tout cas, ceux qui y avaient le plus à perdre et le moins à taper dans cette histoire. Alors que les Occidentaux y perdaient certes un peu, mais y gagnaient quand même pas mal et tapaient tout autant.

À moins que ce ne soient les Africains ? ... Mais non, vous pensez ! Des nègres non capables de se développer pourraient-ils mettre en place une stratégie susceptible de déstabiliser l'ordre mondial ? Soyons donc sérieux un instant ! Ça ne pouvait pas être les nègres. Trop pas fini qu'ils sont.

Mais il est un endroit où les yeux se tournent moins... l'Asie. Les Asiatiques étaient comme les juifs en Afrique, on les connaissait très peu. En fait, juste assez pour leur coller tous nos malheurs sur le dos. Mais cela n'allait pas demeurer ainsi bien longtemps. Les hordes de chinois étaient partout en Afrique et à ce rythme-là, il y'aurait bientôt plus de Chinois en Afrique que d'Africains.

De toute manière, à quoi bon savoir qui allait conduire le monde au chaos ? Russes, Américains, Chinois, Arabes, Israéliens... une fois que la mort se présenterait à nous, à quoi cela nous servirait-il de savoir de quel drapeau elle est attifée ? Elle nous traînerait par les cheveux vers un trépas inexorable et ce qu'on ait des cheveux ou non.

Plus je pensais à l'avenir et plus je me demandais comment c'était avant. Pas l'avant de mémoire d'homme, ça, on sait tous que c'était pas terrible, mais l'avant, celui qui précède toute mémoire. Je me demande si c'était déjà comme ça, tout pourri. Je ne sais pas. Déjà on devait être moins nombreux. Mais où étions-nous au juste ? En Afrique ? Je ne pense pas.

L'Afrique c'est ni plus ni moins qu'un trou à rats. Comment c'était ailleurs, j'en sais rien, mais ici je connais. Qui a idée de vivre à 45 ° à l'ombre. À l'ombre que je vous dis ! Non, vraiment, l'Afrique, ça n'a jamais dû être une affaire. Moi je pense qu'à la base on était tous ailleurs. Noirs, blancs, Chinois, Arabes et tous les autres. Peut-être même qu'il y'avait des hommes-poissons, des orques, des gnomes... qui sait ? On devait être tous ailleurs et on a dû faire une sacrée connerie pour se retrouver ici.

On a dû tous nous foutre à la porte à grands coups de pieds et on n'a pas eu d'autre choix que de s'installer ici parce que partout ailleurs c'était déjà occupé. Et pourquoi pas ? On nous avait bien dit à un moment que nos ancêtres étaient gaulois non ? Qui vous dit que c'est pas vrai.

Si nous descendons tous d'Adam et Ève alors nous étions tous sur le même continent. Et je ne pense vraiment pas que nous étions en Afrique à l'origine. Alors bien sûr on déterre de temps en temps des ossements de Dieu sait quel millénaire pour flatter notre ego. Berceau de l'humanité que nous serions. Mais quelle fierté à tirer, d'avoir été les premiers sur terre si aujourd'hui nous sommes les derniers.

Et puis quoi encore, Adam et Ève seraient donc noirs ? Ah ! voilà que tout ça devient moins drôle. Donc de deux choses l'une, soit tout le monde a des gènes de nègre dans le sang et dans ce cas je souhaite bien du courage à tous les négrophobes de ce monde ; ou alors nous étions tous blancs ou autre chose, quelque part vers Jérusalem, vu que tout ramène à Jérusalem, et qu'ensuite, par quelque traîtrise concertée, une partie d'entre nous fut envoyée copieusement griller au soleil de l'autre côté de mère méditerranée.

Non, je vous le dis, il y'a une entourloupe quelque part dans l'histoire. Je refuse de croire que des hommes lucides, guidés par je ne sais quelle lubie sont venus de leur plein gré s'installer dans ce foutu merdier en se disant : ah, qu'est-ce qu'on est bien ici ! Non, c'est pas possible. Je n'imagine pas les mecs à leur arrivée se dire : waouh ! Quelle belle nature, quelle belle faune ! Oh ! un lion, qu'il est beau ! Et là, regardez, un éléphant. Magnifique !

Non, moi je vous le dis, ils ont fait dans leur froc s'ils en avaient un. Et s'ils n'en avaient pas, et bien ça devait être sacrément dégueulasse, croyez-moi ! En Europe ils craignaient quoi ? Les loups ? Un loup, ça fait quoi trente-quarante kilos ? Un lion, ça te fait deux cents kilos quand c'est pas bien nourri et ça te plie ton loup en quatre sans sourciller. Allez me faire croire que les types ils étaient contents en voyant ça. Non, ils ont détalé en se faisant dessus à tous les coups. Et les rhinocéros ! On en parle des rhinocéros ? Pfff !

Il n'y a personne qui serait venu ici de son plein gré. Bien sûr, y'a les Afrikaners qui se sont installés en Afrique du Sud de leur plein gré, mais déjà parmi eux y'avait des huguenots, qui avaient à l'époque été chassés à grands coups de sabots par les catholiques. Et puis comme je l'ai déjà dit, l'Afrique du Sud, c'est pas vraiment l'Afrique. C'est d'ailleurs peut-être pour ça qu'ils avaient appelé ainsi leur pays, pour rappeler à quiconque avait encore un doute que c'était l'Afrique. Mais je n'étais pas dupe. L'Afrique du Sud, ce n'était pas l'Afrique.

Bordel, j'avais pas vu le temps passer ! J'allais être en retard pour mon entretien. Le quatrième ce mois-ci.

La gueule de leur mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant