chapitre 6.

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Le professeur de chimie me jette un coup d'oeil accusateur lorsque je franchis l'entrée de sa classe suivis de près par Alexandre, hilaire.

- J'te jure, j'ai encore le message où il me demande si j'veux sortir avec lui. Tiens, regarde.

Alex me flanque son téléphone sous le nez pendant que nous nous installons au fond de la classe, sous les remarques du prof qui nous demande de nous calmer et de ranger ce portable.

- J'savais pas que c'était un pédé lui, ça te dirait de lui parler un peu, après les cours ?

J'acquiesce dans un sourire, heureux de ne pas être à la place de Jordan.

Jordan est un gars complètement efféminé. Il a la voix d'une gamine et porte des jeans serrés avec des débardeurs. Tout le monde est au courant pour sa sexualité et comme partout sur cette foutue Terre, il y a ceux qui l'acceptent, ceux qui s'en branlent, et ceux qui trouvent ça dégueulasse.
C'est un peu pareil avec tout ce qui sort de l'ordinaire, tout ce que les gens ne peuvent pas gueuler dans la rue.
Vous comprenez pourquoi je souris et refoule mes idées.

Tu es lâche.

Étant calmé, Alex fait mine de suivre le cours et un sourire béat plie ses joues. Le téléphone mal planqué derrière sa trousse affiche la conversation qu'il a avec Alicia, pourtant assise quatre rangs devant nous. Les emojis colorés et les cœurs pixelisés qu'ils s'envoient me filent la gerbe. Ça paraît tellement faux.
Je soupire, excédé.

Les minutes passent et paraissent interminables, j'observe le tableau noir couvert de notes, de chiffres et d'un tas d'autres trucs qui m'échappent, lorsque la porte s'ouvre dans un fracas.
Une trentaine de paires d'yeux se tournent vers celle-ci, bien qu'avec toute les têtes qui sont devant moi, je n'arrive pas à voir ce qu'il s'y passe.

L'impression que le temps s'arrête m'envahit et m'étouffe, plus personne ne bouge à l'entente d'une voix inconnue qui m'est pourtant si familière.

- Euh... Bonjour ? C'est bien ici la classe des terminal L5 ?

Je sens mon corps entier vibrer comme une feuille, ma gorge de serrer et ma respiration se couper.

Le professeur semble faire abstraction du fait qu'elle soit en retard de vingt-cinq minutes et préfère jetter sa main d'un geste, vers l'ensemble de la classe, comme pour lui demander de s'installer, sans pour autant lui donner de réponse concrète.

Quand elle avance enfin, je reconnais la crinière rouge de la fille d'hier, celle qui était en compagnie de Valentin. Elle avance d'un pas assuré, les battements de mon cœur s'accordent au le son de ses docs Martens. Le regard froid et loin d'une réalité qui semble lui échapper, ces cernes soulignent une vague expression de lassitude. Elle donne le sentiment d'être en trop. Le sentiment d'avoir déjà tout ce qu'elle veut, ou alors de ne rien avoir du tout et s'en contente très bien.

J'entends vaguement les rires et les remarques lorsqu'elle longe l'allée pour s'installer en face de moi. Certaines critiques sont sûrement dû au fait qu'elle ait un maquillage différent, que la seule couleur présente sur elle soit le noir, et qu'elle ait un genre d'anneau à la lèvre, ce que je trouve plutôt attirant. D'autres, se contentent de parler du fait qu'elle se pointe en plein milieu de sa dernière année.
C'est sûr que ces questions sont toujours plus intéressantes que le cours qui se déroule loin, très loin de nous.

- Hé, Harry !

Je sursaute et porte mon attention sur Alexandre, qui claque des doigts sous mon nez.
Merde, pris en flagrant délit.

Harry.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant