chapitre 8.

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Je réajuste mes cheveux dans un rétroviseur. Mon tee-shirt ac/dc a l'air d'avoir besoin d'être repassé et mon jean noir me colle à la peau.
Ça fait dix minutes que je suis planté devant l'image de moi-même, effrayé à l'idée de faire un pas de plus en direction de cette baraque immense.
Les autres sont entrés depuis au moins cinq minutes, voyant que je n'étais pas décidé à les suivre tout de suite.

Bordel.
J'ai l'impression d'être retenu. D'avoir repoussé ce moment depuis trop de temps pour qu'au final, espérer qu'il n'arrive jamais. Je pourrais me barrer d'ici, fuir loin de ce cauchemar que je ne fais que revivre. Comme si l'humiliation n'avait pas été suffisante et qu'il fallait que le film tourne en boucle, pour que je ressente ça un million de fois.

Un frisson me parcours l'échine quand je vois des cheveux rouges danser contre le dos de cette fille.

Elle se mêle aux adolescents qui entrent à tour de rôle.

Une collision entre tes deux mondes.

Je me décide donc à sortir de mon trou pour venir me planter devant une porte aux allures de vieilles maison des années cinquante.
Mais lorsque ma main frôle la poignée, un flash m'apparaît.

Je revois les paillettes noires et orange, les sourires dans l'obscurité, les milliards de soleils s'allumer puis s'éteindre dans une mare de rire et de peinture. Je revois Clara et ses allures de pestes, son rire inonder mes oreilles et faire déborder mes yeux. Je revois la pluie s'abattre sur moi, et se dissiper lorsque je ne pleure plus. Je revois les bleus, les écorchures, les morceaux de terre dans ma bouche, je revois le verre brisé de mes lunettes, je revois les sourires dans les couloirs, les surnoms débiles, les jeux de mots stupides et la peinture dans mon casier. Je revois. Je revois aussi, le mal que je me suis fait à moi-même et les larmes qui ont coulées d'elles-mêmes. Je revois les profs qui ne voyaient rien ou bien qui pensaient ne rien voir. Je me revois, moi, seul comme je ne l'ai jamais été, recroquevillé dans ma chambre, sans l'ombre du petit garçon assis sur mon lit. Je me revois en compagnie d'un livre que j'ai serré si fort que le papier m'a coupé. Moi, saoul et sous la douche, imaginant milles scénarios possibles pour mettre fin à tout ça, et pour me mettre fin, à moi. Je me revois détester Clara et l'aimer tout autant, et je me revois donner mon premier coup de poing dans la gueule d'un énième connard qui m'avait appelé "le binoclard orangé" une fois de trop.

Toutes ces images me reviennent comme une claque donnée par un Hulk bourré de testostérone et je recule, le cœur battant.

Pourquoi faut-il que tout se passe comme ça ? Pourquoi je ne peux juste pas ouvrir cette porte, entrer et chopper un verre et une fille au passage ? J'ai un problème, c'est pas possible autrement. Je flippe pour une fille putain, c'est terrifiant.

La porte s'ouvre rapidement et je manque de tomber.
Julie plante ses yeux dans les miens et esquisse un sourire.

- J'allais venir te chercher.

J'peux vous dire que même sa voix a des efluves de vodka.
Je recule légèrement, créant un espace qu'elle avait rompu sans que je m'en aperçoive et plonge mes mains dans mes poches.

- Tu pleures ?

Je fronce les sourcils et porte mes mains à mes yeux.
Merde.

- Ouais, apparemment.

Elle entame un rire que l'on confondrait avec un étouffement et pose lourdement sa main sur mon épaule.

- Raconte moi bébé.

Julie possède une particularité : elle sait fermer sa gueule. Elle n'a jamais rien dit quand elle m'a surpris au lit avec la sœur d'Alex et elle n'a jamais rien dit quand j'ai passé la soirée à pleurer sous l'aide incandescent de l'alcool et de la beuh.
Bon, ça c'est peut-être parce que juste après j'ai fini par la sauter, mais ça reste quelque chose de personnel.
Elle sait garder des choses pour elle, c'est vrai, mais je me vois mal lui dire que je suis obsédé par ce qu'il s'est passé il y a deux ans. Non, ça je ne pourrai pas.

Elle me force à m'asseoir sur les marches du perron et tombe lourdement à mes côtés.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

Vite, Harry, improvise.

- C'est ma mère.

Sérieusement ?

Ses yeux fatigués et injectés de sang font certainement semblant de me regarder mais c'est pas grave.
De toute façon, demain elle aura oublié.

- Ça fait pas mal de temps qu'elle va pas très bien. Ça fait 12 ans, en fait. Ça fait 12 ans qu'elle reste bloquée sur c'qu'il s'est passé. Et j'reste bloqué avec elle, j'arrive pas à avancer. Tu vois, depuis que j'suis tout petit, j'ai pas vraiment compris pourquoi on devait oublier les choses. Pourquoi, au bout d'un moment, les chose qui nous paraissaient tristes ou dégueulasse, le sont un peu moins avec le temps.

Ses yeux fixaient mes lèvres à mesure que je parlais. Elle ne m'écoutait pas.
Ça ne m'étonne qu'à moitié, il y a sûrement plus d'alcool dans son sang que dans un verre de vodka plein.

- T'es trop sexy quand tu parles.

J'allais répliquer quelque chose mais ses lèvres se collent aux miennes sans qu'elle ne m'en laisse le temps.
Sa mains descendent le long de mon cou jusque sur mon torse, et continuent leur route jusqu'à mon bassin, là où elle soulève mon tee-shirt.

J'attrape ses poignets et me décolle d'elle.
Je la fixe.

Il serait peut-être préférable d'arrêter là, Harry, elle est complètement torchée.

Vas au diable.

Je sors de ma poche les clés de voiture et l'agite sous son nez.
Son sourire s'agrandit et elle se lève d'un bond, en tirant ma main jusqu'à la noirceur de la nuit.

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des avis?:)
je sais que je mets beaucoup de temps à écrire un chapitre et j'en suis désolée.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 06, 2021 ⏰

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Harry.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant