Poisson chat

199ème jour

Louis est en train de faire son lit lorsqu'il entend la porte de bois qui mène à la cage d'escalier s'ouvrir en grinçant, mais le son ne l'alarme pas. Il n'est pas encore descendu en bas alors il ne peut s'agir que de l'unique autre personne qui possède un double de ses clefs.

_Louis ? appelle d'ailleurs la voix de Gwen tandis qu'elle entre dans l'appartement.

_Je suis dans la chambre !

Il est en train de finir de taper les oreillers et ramasse un T-shirt qui trainait par terre depuis la veille quand il entend frapper contre le battant.

_Tu es décent ?

Phrase qui le fait sourire.

_Moralement ? Non ; mais j'ai un jeans si c'est ça que tu voulais savoir.

La jeune femme entre dans la pièce avec un regard à la fois amusé et excédé et il lève les yeux au ciel en constatant que cette petite traitre de Malory est déjà lovée dans les bras de son amie et l'ignore complètement. Il résiste alors à l'envie de lui rappeler qui lui achète ses croquettes et se contente de déposer une caresse jalouse sur le bout de son nez.

_J'étais étonnée de voir Les mots fermé, c'est pour ça que je suis monté.

_Pourquoi ? demande aussitôt Louis en tâtant immédiatement ses poches à la recherche de son portable. Il est quelle heure ? Je suis en retard ?

Son sang ne fait qu'un tour et il jure à demi-mot, frustré de ne pas mettre la main sur ce qu'il cherche. Il se tourne alors vers son réveil, dont les nombres digitaux bleus sont masqués par une pile de livres, et il saute sur le lit afin de la bouger. Huit heures cinquante cinq.

_Mince ! Mince, mince, mince !

Il n'a pas vu le temps passer et la cause en est simple : depuis six heures, il discute non-stop par SMS avec Harry et ne s'est décidé à se lever que lorsque son ami lui a dit qu'il entrait dans la BU.

_Mince ! il marmonne alors une nouvelle fois devant le rire silencieux de Gwen, qui le laisse se relever rapidement pour descendre en bas afin d'ouvrir la librairie.

Elle le rejoint quelques secondes plus tard, Malory toujours dans les bras, un sourire espiègle au coin des lèvres.

_Depuis le temps que tu tiens la librairie, je crois que c'est la première fois que je te vois en retard... des explications ?

_Je n'ai pas entendu mon réveil.

Le mensonge est sorti tout seul et il se mord la langue en se tournant, mettant de l'eau dans la bouilloire et la cafetière. Il sait qu'elle l'a percé à jour et qu'il lui cache quelque chose, elle sait que c'est en rapport avec la personne avec qui il discute, mais elle laisse tomber l'affaire avec un haussement d'épaules résigné.

En échange, elle a le droit à un bisou sonore sur la joue et une nouvelle version de son prénom, en cornouaillais cette fois, et elle plisse les yeux d'un regard menaçant.

_Quand est-ce que tu vas tourner la page ?

Seulement le jeune homme est dispensé de réponse lorsque la porte du magasin s'ouvre avec un tintement de clochette et il se tourne vers la nouvelle-venue avec un sourire réel.

_Madame Higgins !

*

Nouveau SMS de Harry :
12:02✉ J'ai cru que je n'arriverai jamais à finir cet essai !
12:02✉ Je suis parti tellement loin à un moment que je me suis dit qu'il fallait que tu écrives un poème.
12:03✉ Comment s'est passé ta matinée ?