Louis n'a pas touché aux roses. Elles sont restées en bas, disposées dans la position exacte où le livreur les a déposées ce matin. Il y a vingt-quatre bouquets de vingt-quatre roses chacun à peu près, et elles embaument l'air d'un parfum floral à la limite de l'indécence. Louis a finalement réussi à s'asseoir sur son canapé, les yeux clos, et il tient désormais son portable dans la main comme si c'était une relique de l'ancien temps, un Saint Graal oublié, et il n'arrive plus à penser à autre chose qu'à Harry.
Il a tenté de repousser ce moment le plus longtemps possible mais il sait que la confrontation est désormais inévitable. Alors il prend une grande respiration ; il aspire l'air comme un condamné aspirerait sa dernière bouffée de cigarette, et il se décide.
Nouveau SMS pour Harry :
20:27✉ Pourquoi ?La réponse ne se fait pas attendre : dans les quelques secondes qui suivent l'envoi du message, le tintement habituel d'une notification se fait entendre.
Nouveau SMS d'Harry :
20:27✉ Je peux t'appeler ?La question ne surprend pas Louis, qui s'y attendait et qui a longtemps pesé le pour et le contre d'une conversation vocale avec Harry. Mais au final, c'est l'accès de panique qui a provoqué les douleurs musculaires de sa jambe ce matin qui l'a convaincu : si lui n'a pas daigné se déplacer en personne à Londres pour le rencontrer, Louis a bien le droit de refuser de lui parler. Oralement. Il a le droit de refuser d'entendre les intonations graves et rauques de son timbre qui le rendent faible et l'empêchent de penser. Il ne veut pas être attendrit par le ton qu'il emploierait. Il veut la vérité, et il la veut sans plateau d'argent.
Nouveau SMS pour Harry :
20:30✉ Non.
20:30✉ Je préfère qu'on s'envoie des SMS. Je n'ai pas confiance en ta voix.Le message part et Louis verrouille son cellulaire. S'il y a bien quelque chose qu'il lui accorde, c'est de ne pas l'avoir poussé, de ne pas avoir tenté de rappeler ce matin après leur coup de fil interrompu, de ne pas avoir envoyé pleins de SMS lui demandant de répondre ou de décrocher. Il lui a laissé le temps qu'il lui fallait et ne l'a pas appelé immédiatement après le message. Il lui a demandé s'il pouvait appeler, et n'a visiblement pas insisté après la réponse qu'il a obtenue.
Louis attire alors son fauteuil à lui pour parvenir à se hisser à l'intérieur en prenant appuie sur l'accoudoir du canapé et se dirige ensuite vers la cuisine, où il sort d'un placard un tupperware remplit de cookies fraichement fait par Gwen. Il y a un assortiment de tout, menthe, caramel, noix de macadamia et chocolat blanc. Louis attrape le premier qui vient et repose la boite sur le comptoir en prenant soin de la refermer pour éviter qu'une petite boule de poil n'arrive à y porter assaut. Le tic-tac de l'horloge de la cuisine amplifie chaque seconde qui passe et cela rend le jeune homme fou ; c'est le seul son qui rompt l'atmosphère emplie d'appréhension qui règne dans l'appartement. Le premier tome des chroniques de Narnia, Le lion, l'armoire et la sorcière blanche traine dans un coin de sa cuisine et il l'attrape en passant pour aller le ranger dans sa bibliothèque. La sorcière blanche est une personnification de l'attente, il en est certain.
En passant, son fauteuil heurte d'ailleurs un coin de la table et il jure en manœuvrant son chemin de manière plus large. Il déteste avoir à se déplacer ainsi à l'intérieur de son chez-lui. Malory, qui est montée sur le haut du meuble télé, le regarde faire en le suivant des yeux de manière concernée. C'est à ce moment-là que le téléphone de Louis émet le petit tintement qui met fin à la dictature de la sorcière blanche.
Nouveau SMS d'Harry :
20:49✉ Lorsque tu me demandes pourquoi Louis, tu attends une réponse que je ne peux te fournir. Je ne vais pas te mentir et te dire que j'ai eu un empêchement de dernière minute, je ne vais pas te dire que je suis tombé et que j'ai été transporté aux urgences contre mon gré. Ce ne serait pas vrai et tu mérites mieux que ça. La seule chose que je peux avancer pour ma défense (et dieu, je ne cherche même pas à me défendre ni à me justifier) c'est la peur. J'avais peur Louis. Juste peur. J'étais en chemin mais j'ai eu peur. Alors dans un moment de folie complète, j'ai fui. J'ai fui alors que tu as fait tout ce chemin pour venir à Londres et que tu n'aurais pas dû. Ça n'aurait pas dû être à toi de le faire. Pas avec tes jambes. J'ai été égoïste et idiot et complètement stupide.
J'espère que tu vas bien Louis. J'espère sincèrement qu'à cause de ma bêtise, tu n'as pas eu de « mauvais jour ». J'espère que les mots d'Oscar Wilde ne s'applique pas à nous. J'espère que je ne serais pas un homme qui tue la chose qu'il aime. Car je ne suis ni brave pour la tuer avec une épée, ni lâche pour le faire avec un baiser ; je ne veux pas être de ces hommes, Louis.

VOUS LISEZ
Poisson chat
FanfictionPropriétaire d'une librairie à Disley, Cheshire, Louis n'a jamais rien connu d'autre que son petit village natal. Obligé d'utiliser un fauteuil roulant lors de ses « mauvais jours » à cause des séquelles d'un accident qui paralysent temporairement s...