221ème jour

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Lorsqu'il se réveille le lendemain, Louis est toujours sur le canapé et met un moment à se situer. Il met un moment à se rappeler qu'il s'est endormi hier alors qu'il était encore au téléphone avec Harry et lorsque c'est le cas, il se redresse en cherchant frénétiquement son portable partout autour de lui.
Mais il n'était pas loin. Il était caché dans la doublure de l'assise, et il le porte aussitôt à son oreille sans prendre la peine de vérifier que l'appel est toujours en cours.

L'appel est toujours en cours.

Il l'entend au son régulier et profond de la respiration d'Harry de l'autre côté du combiné. Il l'entend aux quelques bruissements de draps provoqués par ses gestes dans le lit. Car nul doute que Harry a pu rejoindre son lit lui, et l'idée de devoir se lever pour affronter la journée et son fauteuil brise légèrement le jeune homme. Lâchement, il repousse donc la tâche de se lever en écoutant quelques minutes de plus le son calme et apaisant de la respiration de ce garçon qu'il n'a jamais vu et qu'il aime pourtant plus qu'il n'a jamais aimé personne. Il l'écoute jusqu'à ce que Malory miaule de la cuisine, attendant surement sa gamelle de croquettes, et qu'il ne puisse plus repousser l'inévitable. Alors, après un dernier souffle, il raccroche à contrecœur et se redresse. Seulement la douleur qui l'accompagnait ces derniers jours, celle qui l'élançait du bout de la jambe jusqu'au bassin comme une décharge électrisante ne vient pas. Ses muscles restent silencieux et il pose précautionneusement un pied sur le sol.

_Wow, il murmure au bout de quelques secondes, presqu'aussi heureux que le matin de noël.

Il se lève sans se brusquer et tente un pas en avant, qu'il effectue sans grande difficulté majeur mais tout de même avec du mal, dû aux quelques jours précédents qu'il vient de passer cloué dans son fauteuil.

Ses pas sont hésitants et petits tandis qu'il se dirige lentement vers la cuisine où Malory l'attend sagement sur le comptoir près de l'évier, comme si elle comprenait l'importance de la situation dans ses grands yeux bruns. 

*

Louis boite. C'est la première fois que ça arrive et il s'en rend compte quand il tente de rejoindre son bureau aux Mots en sortant de l'ascenseur. Sa jambe gauche plie plus rapidement sous le poids de son corps que la droite ne le fait mais il décide de ne pas s'en formaliser car malgré le clopinement, il n'a plus aucune douleur, plus aucun rappel de ces quelques jours passés dans un fauteuil roulant. Un léger air chantant s'échappe d'ailleurs de ses lèvres tandis qu'il met en marche la bouilloire et la cafetière et qu'il se prépare un thé, et la douce clochette de la porte d'entrée annonce le premier client de la journée. Le tintement sonne immédiatement plus apaisant aux oreilles du jeune homme qui se détourne pour voir entrer madame Higgins, un chapeau violet sur ses cheveux argentés.

_Oh ! Tu es debout ! elle s'exclame avec un sourire sur le visage.

Il est debout. Il est debout et il a envie de courir jusqu'à l'épuisement pour fêter ça seulement il n'en fait rien et se contente de sourire gentiment en agitant les mains pour montrer son contentement. 

Elle cherchait aujourd'hui un livre relatif aux plantes et à la botanique et Louis sort de la section en question trente minutes après son départ, ayant été pris ensuite d'une envie folle de tout ranger et replacer correctement. C'est quelque chose qui arrive souvent, ça : retirer tous les livres d'une allée pour tout réorganiser selon ses envies, et c'est d'ailleurs aussi pour ça que malgré le fait que les habitants de Disley sont des habitués, ils ne peuvent rarement se passer de Louis quand il s'agit de trouver un livre.

Quoiqu'il en soit, c'est une notification sur son téléphone qui le contraint à sortir la tête de ses étagères et il revient doucement vers le bureau en prenant soin de ne pas trop forcer sur sa jambe dès le premier jour.

Poisson chatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant