214ème jour

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Lorsqu'il se réveille deux semaines plus tard, l'estomac de Louis est déjà en train de jouer à saute mouton. Il sait pertinemment que dans à peine vingt-quatre heures, il verra Harry. Il sait que dans vingt-quatre heures, il pourra enfin serrer son corps jusqu'à l'empêcher de respirer, jusqu'à l'étourdir, jusqu'à le rendre soul d'amour et à court de pensées. Vingt-quatre petites heures c'est tout ce qu'il lui reste à patienter. Une petite boule de poil vient d'ailleurs soudainement se loger sur son ventre et surpris, Louis se redresse.

_Comment t'es montée ici, toi? T'es assez grande pour sauter sur le lit maintenant ?

Un petit miaulement de contentement lui répond et laissant échapper un rire, Louis entreprend de la caresser. Il va aller jusqu'à Londres et il n'a encore jamais mis les pieds à Londres ; il n'est en réalité jamais réellement sorti de Disley. La raison en est simple cependant : avec un fauteuil roulant, tout est toujours plus compliqué. Seulement Louis est bien décidé à aller à Londres sans son fauteuil. Cela fait plusieurs jours qu'il se ménage et évite de rester debout trop longtemps de manière à ne pas avoir à compliquer les choses encore plus.

Son réveil se met alors à sonner à cet instant et il sursaute, revenant à lui brusquement. Le soleil a commencé à percer le tissu fin de ses rideaux et il semblerait presque que le beau temps soit au rendez-vous. Seulement après avoir récupérer ses lunettes sur la table de chevet et s'être dirigé vers la salle de bain, Louis ne peut que constater que malgré le fait que les rayons percent bel et bien quelque nuages gris pâle encore emplis de neige, les températures n'ont pas remontées.

Il descend aux Mots vers huit heures et quart après avoir attrapé une de ses dernières pommes dans la corbeille de fruits et allume toutes les lumières de la librairie, arrangeant les canapés et passant un rapide coup de balai. Les horaires d'ouvertures affichent officiellement neuf heures, midi et quatorze heures, dix-huit heures mais en réalité, la porte est déverrouillée avant et ferme rarement pendant la pause déjeuner.

C'est pour cela que lorsqu'un client arrive un quart d'heure avant la véritable ouverture, Louis n'est pas surpris et met la cafetière à chauffer.

C'est un petit plus des Mots d'ailleurs, le café, thé, chocolat offert pour réchauffer les cœurs pendant la quête du livre. L'homme qui est entré est un habitué, c'est Pete, il vient quasiment toutes les semaines avant d'aller travailler afin de flâner un peu dans les rayons en quête des nouveautés.

_Café et sucre Pete ? s'enquit Louis en le voyant retirer son blouson pour le déposer sur le porte-manteau.

_Comme toujours, Louis, il répond avant de sourire. Où est donc le petit chaton ?

_Oh surement en train de se cacher sur une étagère mais elle devrait arriver dans pas longtemps, elle a dû entendre le carillon.

Et pile à cet instant, une petite boule de poil passe la tête de derrière l'allée Laponie, faisant sourire Pete.

_Beaucoup de rendez-vous aujourd'hui ?

_Deux chantier en dehors de la ville, le remercie-t-il en acceptant la tasse avec un regard empli de gratitude.

Pete est un conducteur de travaux d'une quarantaine d'années dans une petite entreprise locale et est souvent amené à travailler sur plusieurs sites en même temps. Il vient aux Mots dès qu'il n'a pas de journée trop chargée et reste toujours assez longtemps pour être en retard.

_Les nouveautés sont près des fauteuils.

Et avec un nouveau sourire, l'homme s'éloigne dans la direction indiquée.

L'arrivée de Pete et leur conversation a en tout cas eu un effet positif sur Louis, qui pendant quelques instants, n'a plus ressenti cet horrible essaim d'abeilles dans son estomac. Parce que ne le méprenez-pas, ce ne sont pas des papillons, les papillons sont inoffensifs. Ce sont des abeilles qui pointent leur dard, prêtes à piquer en déclenchant un millier de bourdonnements désagréables qui résonnent dans tout son être.

Poisson chatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant