UN AMOUR SANS INCIDENT

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Tu es en train de me perdre espèce d'abruti ! Ça tu ne t'en rends pas compte !

Tu me casses les pieds, Léonie.

Oui ! C'est ça, fuis ! Comme à ton habitude ! Fuis les problèmes de notre couple, je t'en prie ! C'est toujours la même histoire, tu ne sais pas affronter nos problèmes, tu ne parles jamais de tes soucis ! Notre couple n'est plus aussi uni et soudé qu'avant ! Au lieu d'être un roc c'est une sorte de liquide visqueux qui nous glisse entre les doigts.

Il est minuit, tu me gonfles.

Ne te gênes pas, espèce de connard ! Je ne sais pas ce qui me retient de faire une syncope...

DarrenBarclay se rendit compte que, lors des disputes, la femme avaittendance à élever la voix alors que l'homme, lui, restaitgénéralement impassible ou du moins gardait une voix monotone pourmontrer qu'il s'en fichait royalement de ce genre de situationmanichéenne. Non sans grands amalgames, il supposait cela que parmiles couples voisins de palier de son domicile. De l'appartement 1408au 1412, il avait tendance à être au mauvais endroit, au mauvaismoment. — Chez lui ? La bonne blague ! —.

Entreles quatre murs faits de plâtre, il entendait tout, du moindresouffle, du moindre pet de mouche ou d'un doigt dans le berlingot,Darren était impliqué dans la vie et l'intimité de tous malgrélui.

Onpouvait donc en conclure que l'acoustique des appartements est àdéplorer.

Bienqu'au début il s'écrie en son for intérieur : leursengueulades à répétition commencent à me taper sur les nerfs ! Ily prenait goût.

C'esten grande partie dans son lit que ses voisins de palier se mettaientà vivre en s'engueulant quand la nuit noire se faisait naître etque les rues étaient des plus calmes. Entre les alcooliques etdrogués du 1408 aux petits jeunes du 1411, Darren entendait le mêmeschéma répétitif : une grosse engueulade et ensuite une partietorride de jambes en l'air. Ou du moins, ce fut assez fréquent avantque L'abruti du 1411 et sa petite grosse à la grande gueule aientune relation des plus chaotiques. Plus de claques sur les fesses àdes heures perdues de la nuit, plus aucun orgasme ou de piètresgrincements de lit. D'ailleurs ! Avec la surcharge pondérale demadame, il se demandait comment L'abruti (Eddie Sewell, vingt-quatreans, au chômage. Bac obtenu avec mention assez bien et fan dejeux vidéo. En liberté sous caution.) arrivait à bander avecmadame ou bien que le sommier du pieux incurvé —supposait-il — ne cédait pas lorsque Mario le plombier venaitinlassablement ramoner la tuyauterie de la princesse au gros cul. Lesexe faisait durer leur couple. Mais là, cela fait trois semainesque Léonie Lopes (Vingt-trois ans, magasinière et fan de sérieanimée. Ayant déjà subi une opération chirurgicale et reçut uneamende pour harcèlement.) n'avait pas reçu la visite du plombierBros.

Faitcomme Gabriela Nielson, ma chérie. Gabriela, ta voisine. Tu sais ?La locataire du 1408, qui a trente-six ans et qui a foiré plusieursfois son permis. Tu ne vois pas ? Celle qui appelle souvent lesservices téléphone rose, qui se drogue à la cocaïne et qui sesaoule au whisky pur bas de gamme. Bien, alors fait comme elle, quandChris n'est pas à la maison. Appelle le ramoneur Lewis ! S'étaitdit Darren, un soir, en scrutant le plafond dans la pénombre.

Etcela lui manquait de ne plus s'astiquer le manche sous lesbraillements d'extase orgasmique de Léonie. Parfois, juste unepetite branlette le temps du coït de ses voisins, parfois, ils'imaginait durer plus longtemps qu'Eddie. Dans tous les cas, sa mainfinissait pleine de semence tiède, prête à être essuyé dans sesdraps blancs. Mais cela, personne ne le sait. Et c'était bien avantqu'il ne rencontre l'amour de sa vie, quoiqu'il se le permettait detemps à autre.

RÊVES ET CAUCHEMARSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant