DANS LE NOIR

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Onpeut aisément pardonner à l'enfant qui a peur de l'obscurité. Lavraie tragédie de la vie, c'est lorsque les hommes ont peur de lalumière.


PLATON



Jene sais par où commencer, et en fin de compte, l'on comprend viteque lorsque l'on veut écrire une histoire, souvent, celle-ci, n'aguère un début qui commence dans le plus grand des calmes où toutnaquit et où tout se met à bourgeonner sous le chantfantasmagorique des oiseaux, haut perché dans leur nid, au sommetdes arbres. Tout commence par le plus grand des hasards. Quand ledestin décide de te prendre par la main et de t'envoyer dans unepéripétie d'une histoire fantastique. Une histoire qui commence parl'obscurité et les ténèbres, le tonnerre et la pluie, d'un enfantsous une couette, les sangs qui se glacent. Par la peur et lespleures.

C'estenfant, que l'on ne comprend pas encore tout à fait, sil'imagination est une part même de la réalité, quand bien même onreste lucide. Étant les premiers acteurs d'un mal qui trouble notreroutine. On se forge une identité, un regard tout à fait neuf dumonde. Avec une part d'innocence, et d'une naïveté insouciante.

Lescas de conflits conjugaux sont parfois nos premiers maux etcauchemars, et parfois les premières questions que l'on se pose surla vie.

Ona tous eut une enfance, on est tous passé du stade où nous rampionsà quatre pattes au stade ou nous marchions, portés par nos jambespour se mettre à mouvoir avec aisance dans l'espace, jusqu'àdevenir utile à la société. Perdant ses rêves innocents et cettepart d'imagination. Pour, au final, travailler et se mettre dans uneroutine, las de la vie.

Découvrirla joie du Propanolol, du Prozac, du Xanax et du prince Valium. —Des antidépresseurs au doux nom, qui me font penser à de grandsméchants de littératures de fantaisie, comme si Sauron étaità la fois le seigneur ténébreux et une sainte pilule qui te donnele sentiment de sortir des ténèbres — De l'alcool, et desdrogues.

Lapluie battait par staccato sur la vitre de ma fenêtre mi-close. Lesrideaux dansant comme deux spectres d'une pâleur morbide. J'étaisemmitouflé sous ma couverture, de la tête aux pieds, cherchant àcacher un orteil par peur que l'on vienne m'attraper et m'attirerde sous le lit et dans les ténèbres. À jamais.

Mafamille... je n'ai pas vraiment connu le terme Famille. J'aidû affronter les violences conjugales de deux parents ignobles, sedroguant et s'envoyant en l'air même quand leur enfant dans leberceau braille à tue-tête. — Et c'est à moi que l'on donnait leplus souvent la tétée ? — et j'ai dû connaître les joies dudivorce, et de la vie de famille avec un parent qui se lamentait surson sort — dans la majeur partie des cas — tous les soirs.

Mamère n'était pas issue d'une grande famille, et souvent sansargent. Elle travaillait le soir, pour ces hommes. Un billet enéchange d'une danse aux seins nus, un corps quadragénaire etdécrépit se dandinant. Contre de l'argent. Mais dois-je lui envouloir d'avoir mis en gage sa dignité au Malin pour moi ? Seulementpour que je puisse manger à chaque repas tandis qu'elle perdait àvue d'œil de ces kilos en trop, me regardant manger en fumant. «Je devais faire un régime de toute façon, mon grand. Mange ! » .Et donc n'ayant pas beaucoup d'argent je voyageais de ville en ville,déménageant tous les deux ans. Me faisant que très peu d'amis. Detoute manière, je ne devais pas me lier d'amitié avec les autresenfants, les séparations étant trop douloureuses. J'ai dû me direque, déménageant souvent, il était plus convenable d'attendre oùdemain j'irais.

Dansmes souvenirs les plus profonds aucun d'eux n'eut de visages,seulement une masse laiteuse et pâle. Pas un visage. Un masquefondu. Comme si j'avais effacé une esquisse à l'alcool.

RÊVES ET CAUCHEMARSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant