Salut, c'est Orlanne... Je sais qu'on avait décidé d'arrêter de se parler, parce que c'était mieux ainsi. Mais... Je ne vais pas très bien en ce moment et j'ai besoin de parler. J'ai tout de suite pensé à toi, je ne sais même pas pourquoi.
Bref. Il y a quelques semaines, j'ai commencé à avoir des nausées, des vertiges et des maux de têtes. Maman m'a emmené chez le médecin, qui lui-même nous a envoyé faire des examens à l'hôpital. Nous avons eu les résultats la semaine dernière.
Le médecin avait un air grave sur le visage quand il nous a appelées. Mais je n'y ai pas fait attention, trop concentré sur son regard bleu azur. Il était vraiment beau t'sais, il me faisait un peu penser à toi. Il doit avoir 25 ans tout au plus, pis il a des cheveux bruns en batailles, comme toi au réveil. Mais c'est pas de ça dont je veux te parler. Si seulement...
Ma mère a senti que quelque chose n'allait pas parce qu'elle s'est tendue dès qu'elle a aperçu le médecin. Il nous a fait asseoir dans son bureau, il attendu. Quelques secondes, qui ont fini par se transformer en minute. Et crois-moi, ça a été la minute la plus longue de toute mon existence. J'avais les mains moites, je commençais à comprendre moi aussi que quelque chose clochait chez moi. Le médecin a pris une grande inspiration puis il a tendu mon dossier à ma mère. Elle l'a lu en diagonale et s'est arrêté sur un mot. Un putain de mot qui lui a fait monter les larmes aux yeux. Je voyais bien qu'elle se retenait de ne pas éclater en sanglots devant moi. Parce qu'elle est forte et qu'elle ne voulait pas me faire de peine. Je lui ai pris le dossier des mains et j'ai commencé à le lire en détail. Puis mes yeux se sont accrochés à un mot. Un tout petit mot qui a tout renversé sur son passage. Ce mot était un ouragan et il ne cessait de clignoter sous mon regard, comme pour me narguer.
6 lettres. 6 putains de lettres qui ont le pouvoir de changer ta vie. 6 lettres qui, toutes ensembles, formaient le mot cancer. Ouais, je sais. C'est... Inattendu. C'est le seul qui me vient à l'esprit. Parce que c'est bien la dernière chose à laquelle je m'attendais. J'veux dire, tu imagines toi, avoir un cancer à 17 ans ? Non putain, tu peux pas imaginer ne serait-ce qu'une seconde ce que ça fait.
Quand tu l'apprends, t'as l'impression de tomber de trente étages d'un seul coup. Tu comprends pas ce qui t'arrive, t'as peur, et t'as cette putain de boule dans la gorge qui t'empêche de parler. Et cette sensation continue, parfois tu la ressens moins mais elle est toujours là, cachée quelque part. Elle te rappelle sans cesse que tu vas mourir. Mais tu ne sais pas quand. Tu ne sais pas si tu vas mourir demain, dans deux mois ou dans cinq ans. T'en sais rien et ça, bordel ça c'est juste horrible. Parce qu'à chaque fois que j'embrasse mes parents, que je danse, que j'écoute de la musique, chaque instant que je vis, je me dis que c'est peut-être le dernier.
Depuis, j'ai repensé au peu que j'ai vécu et je me dis que c'est pas juste. C'est tellement injuste d'avoir un cancer quand il te reste tant à vivre et à découvrir. Je ne pourrais peut-être jamais aller à la fac, je ne ferai pas le tour du monde avec Léa. Je ne me marierai pas, je n'aurai pas d'enfants. Et je n'aurai peut-être plus jamais l'occasion de t'embrasser. Je sais ce que tu vas dire, cancer ou pas, ça ne serait jamais arrivé. Mais nos chemins auraient pu se recroiser, qui sait ? Et peut-être que cette fois, ça aurait marché entre nous. Mais cela reste des « peut-être ». Parce qu'il n'y aura plus jamais rien.
Je suis désolée pour cette lettre déprimante. J'avais juste besoin de parler et, je t'en supplie, n'ais pas pitié de moi, je n'ai pas besoin de ça.
Tu n'es pas obligé de répondre, d'ailleurs, peut-être que tu ne prendras même pas la peine de lire mes mots et je ne t'en voudrais pas.
Je t'aime, jusqu'à la mort.
Orlanne.
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Recueil de textes
RandomUn recueil de tous les textes que j'écris, quand je m'ennuie, quand j'ai besoin de m'évader, de faire une pause avec le monde qui m'entoure, ou simplement d'exprimer les sentiments qui m'étouffent. J'espère qu'ils vous permettront, à vous aussi, de...