Chapitre 4

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Allongée sur le canapé, je regarde dans le vide. Sans bouger. J'ai l'impression que plus aucune once de vie est en moi. J'ai le sentiment que tout est figé, si ce n'est mon cœur qui continue de battre, me laissant une douleur horrible dans la poitrine. Je sais que la dizaine de gars présents dans le salon, assis par terre, parlent, bougent, rigole même, mais j'ai quand même cette impression que tout s'est arrêté.

- Tu veux tirer une latte ?

2zer se penche vers moi en me tendant son joint, mais il est trop proche de moi, beaucoup trop proche. Je vois son visage en gros plan et je sens sa repiration. Je ferme les yeux et je ressens à nouveau le souffle de mon agresseur dans mon cou. J'ouvre les yeux à nouveau et m'enfonce encore plus dans le canapé pour m'éloigner de Théo. Je me sens horrible d'avoir peur de celui qui incarne le rôle du grand frère que j'ai jamais eu. Il plane tellement qu'il n'a pas l'air de se rendre compte de la panique qui prend place dans tout mon corps. Je le pousse avant de me lever précipitamment, ignorant cette douleur au bas ventre, psychologique selon les médecins puisque j'ai apparemment aucune lésion gynécologique, et pars dans le couloir de notre appartement à Ken et moi, le traverse jusqu'au fond, et déjà, le bruit des rires insupportables s'estompe. Je m'engouffre dans notre chambre baignée d'obscurité et plonge dans le lit moelleux dont les draps aux tons foncés en coton sont envahis de l'odeur de Ken, imprégnés de son parfum typiquement masculin que je pourrais passer des heures à respirer, encore plus quand, placé au creux de son cou, il est mélangé à son odeur corporelle naturelle, plus sucrée, qui a le dont me faire tourner la tête. J'écrase ma tête contre son oreiller et me laisse enivrer par ces effluves rassurantes.

J'entend la porte s'ouvrir et je reconnais aussitôt les pas de mon amoureux, il s'allonge à côté de moi et passe ses bras autour de moi malgré que je sois dos à lui. L'une de ses mains se pose sur ma hanche et je tente de garder une respiration normale qunand je me rapelle qu'il l'a posé là lui aussi. Mais contre mon gré mon cœur s'emballe et je me sens pas bien dans ses bras. Je ne lui dit pas, je continue de fixer la rue à travers la fenêtre. Sa main glisse pour atterrir sur mon ventre et j'essaie de contrôler mes tremblements mais c'est inutile parce que toutes façons il sent que je me crispe.

- T'as peur de moi ?

Mon cœur se sert et je commence à lutter pour que mes larmes ne coulent pas.

- Élo, t'as peur de moi ?

Je me sens tellement mal dans ses bras, pourtant j'ai besoin de le sentir à mes côtés, me soutenant mais je crois que je ne peux plus suporter ses mains et sa proximité. Ma respiration se coupe et j'hésite à lui répondre.

- Je... je sais pas...

Il se lève brusquement, je le sens énervé, et en fait je me rend compte que j'ai vraiment peur de lui quand je me met soudainement en boule en ayant peur de ce qu'il va me faire. J'éclate en sanglots en me rendant compte que je suis plus qu'une masse de tremblement face à Ken qui se tient debout, en me regardant. Je sais que je n'ai pas à avoir peur de lui, qu'il ne m'a jamais fait de mal et que même si il fait le mec, en vérité c'est un nounours, mais je ne peux m'empêcher de le revoir debout face à mon corps étalé au sol en train de me lancer ses coups de pieds à mon visage encore parsemé d'hématomes et de bleus.

- Je vais... Je retourne dans le salon, tu viens ?

Je me remet dos à lui et fixe la rue sans lui répondre, il soupire et sort de la chambre. Je n'essaie plus de cacher mes larmes qui traduisent un dégoût de moi même. Je me sens horrible de ne pas avoir pu supporter l'étreinte de la personne que j'aime le plus sur terre.

Je reste sans bouger, sans rien ressentir ni même rien penser pendant des heures jusqu'à ce que Ken se rallonge à nouveau à côté de moi et aussitôt ma respiration se bloque et mon cœur s'emballe. Il me retourne vers lui et les secousses de mon corps à nouveau baladé à la guise d'un homme me donne envie de vomir. Je suis face à lui et il est extrêmement proche de moi, plus proche que Théo. Je remarque qu'il est en simple caleçon et si d'habitude j'aurais adoré voir ses légers abdos, mis en avant par sa peau bronzée, qui disparaissent au fil des mois, laissant place à des petites poignées d'amour apparaissant dû à son âge vieillissant, le rendant encore plus beau. J'aurais adoré regarder ses petites fesses alors qu'il enfilerai un boxer propre, dos à moi, pour dormir. J'aurais adoré que la chaleur de son corps réchauffe le mien, toujours frigorifiée. Mais la vérité c'est que j'ai peur de me retrouver face au corps à moitié nu de Ken, à moitié nu d'un homme. Je me recule brusquement, manquant presque de tomber du lit, heureusement, mon conjoint me rattrape. Il me rattrape par le bras, à l'endroit où mon agresseur m'a aggripée pour me tirer vers lui. Des frissons d'horreur me parcourent et je me crispe automatiquement. Je ne peux soutenir son regard déçu et reprend ma position initiale, dos à lui.

- Va dormir dans le canapé.

Je regrette déjà d'avoir prononcé ces mots quand il s'en va, prenant son oreiller, le plaid au pied du lit et part sans un mot, sans un bruit. Son oreiller n'est plus là mais son odeur, dominante à la mienne, reste dans les draps, alors je m'emmitoufle dans son côté de couette et fourre mon nez dedans. Je lui ai demandé de partie mais déjà je regrette, parce que je me sens vide et morte quand il est loin de moi, pourtant, j'ai peur quand il est proche, mais je me sens sûrement plus vivante quand j'ai peur que quand je suis vide. Malgré tout, je ne le rejoins pas dans le canapé et reste dans ce lit trop grand et trop froid pour mon corps et mon cœur seul.

Avant tu riais [ARRÊTÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant