Chapitre vingt-trois

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Les semaines suivantes furent délicieuses. Jay ne parla pas de l'incident, à mon plus grand bonheur. Nous passions le plus clair de notre temps ensembles, sans le voir passer. Je dus lui avouer que je l'avais observé sur son balcon pour le dessiner. Je lui avais d'ailleurs fait un second portrait "à sa hauteur" et à la hauteur de sa modestie. On parlait de tout et de rien, comme deux amis qui se connaissaient depuis toujours. Mais un sentiment persistait en moi. Un sentiment qui disait en vouloir plus. Mais plus quoi ? Je n'en savais rien. J'éteignis la télé, lança mon sac sur l'épaule et sortis de ma chambre. Ma mère était dans le salon, et quand elle me vit, elle me fit un sourire.

- Alors, tu aimes ta nouvelle télé ? Nous ne la regardions pas, dans notre chambre, de toute manière.

- Hum, ouais.

- Je ne savais pas que tu la regardais ! D'habitude, tu n'aime que tes livres... Dit-elle.

Je pris un croissant dans une corbeille en osier.

- Ouais, c'est pour l'école. J'y vais, dis-je en me dirigeant vers la sortie.

- Attends !

Je m'arrêtais et me tournais vers elle.

- Ne rentre pas trop tard, comme l'autre fois ou ton père est venu te chercher. D'ailleurs, tu ne nous as toujours pas raconté ce qu'il s'était passé !

Je soupirai.

- J'ai arrêté de te raconter ma vie quand j'avais douze ans. Je rentre pour dix-neuf heures.

Sur ce, je sortis de l'appartement et claquais la porte derrière moi. Une fois en bas de l'immeuble, je me précipitai vers le parc. En entrant dans celui ci, je marchai plus lentement, tout en regardant autour de moi. Il y a un mois, je voyais les gens comme inintéressants, basiques, sans intérêt. Aujourd'hui, ça n'a pas changé, mais un d'eux a su sortir du lot. Je vis sa tête dépasser de la colline. Sans attendre plus longtemps, je me mis à grimper cette dernière. Une fois en haut, Je m'assis à côté de lui.

- Ah, voilà la retardataire ! Entendis-je.

- Quoi ? Je suis totalement à l'heure ! C'est toi qui est toujours en avance, répondis-je, offusquée.

Il rit à ma réponse sur la défensive, puis me tendit un livre.

- Tiens, je l'ai fini.

J'ouvris grand les yeux en voyant de quel livre il s'agissait.

- Attends, tu viens seulement de le terminer ? Dis-je en l'attrapant.

- Eh ! Je t'avais prévenu, je ne suis pas un grand lecteur. J'ai fait un effort pour lire ton bouquin, se défendit-il.

Je rangeai mon livre préféré dans ma sacoche, puis me tournai vers lui.

- Au fait, j'ai commencé American Horror Story, lançai-je.

Il se tourna vers moi.

- C'est vrai ? Cria-t-il presque.

- Ouais, et j'avoue que c'est pas mal.

- Ah ! Je croyais ne jamais y arriver !

- Mais je préfère lire.

- Je m'en doutais. Rabat-joie ne serait pas ton deuxième prénom, par hasard ?

Je levais les yeux au ciel.

- Tu comptes faire quelque chose à la Toussaint ? Demanda-t-il.

- Non, on n'est pas partit en vacances depuis des lustres avec ma famille. Et toi ?

- Chaque vacances, je pars dans une sorte de camp. C'est à quelques heures d'ici, et ça me permet de sortir un peu de tout ça, dit-il en montrant toute la ville. C'est en pleine forêt, et la plupart des adolescents ont notre âge. Je garde même contact avec quelques gars.

- Ça me plaisait jusqu'à ce que tu parles des adolescents, soufflai-je simplement.

Il se tourna vers moi et me sourit. Nous étions tous les deux, assis l'un en face de l'autre. Il n'était qu'à quelques centimètres, mais ceux-ci paraissaient être des mètres. J'avançai doucement ma tête vers lui, et il fit de même. Quand, soudain, mon téléphone sonna. Je baissai les yeux vers lui, et vis un message de ma mère.

- Je dois y aller, la dragon attend sa prisonnière, dis-je en me levant.

Jay se leva à son tour.

- Dis, je voudrais t'emmener quelque part demain soir.

Je levai un sourcil.

- La colline ne te suffit donc plus ? Répondis-je ironiquement .

Il rit face à ma remarque.

- Non, sérieusement, habille-toi bien pour l'occasion, je viendrais te chercher à dix-neuf heures.

Je ramassais mon sac.

- Tu sais que tu pourrais paraître vexant pour certaines filles avec ce genre de remarque ?

- Ouais, mais tu n'es pas ce genre de filles.

- Exact. C'est un rencard ? demandai-je.

Ce fut à son tour de paraître étonné.

- Ça dépend. Tu le vois comme ? proposa-t-il.

- On verra aux évènements. Allez, à demain ! Dis-je.

Je lui fis signe et descendis de la colline. Sur le chemin du retour, j'avais un sourire plaqué a mon visage. J'avais beau voir des adolescents me dévisager pour ma couleur de cheveux, des enfants crier, ce sourire restait scellé. En arrivant chez moi, mes parents étaient dans la cuisine, adossés au bar, face à face.

- Salut ! Lançai-je.

Ils se retournèrent vers moi, et je vis deux visages. Deux visages tristes. Mais un seul avait les joues humides.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Demandai-je.

Je m'approchais d'eux. Ma mère attrapa un mouchoir, et essuya ses larmes.

- Lenny, ta mère et moi... Allons divorcer.

CondamnéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant