- S A M E D I -
Cela doit faire une demie heure que je roule sans savoir où nous allons à coté de M qui n'entrouvre ses lèvres que pour m'indiquer doucement la direction.
Comme il s'amusait déjà à le faire quand nous étions ensemble, il ne s'est pas privé de chambouler tout mon quotidien. Je m'apprêtais à rejoindre mon bureau pour essayer quelques sons pour la nouvelle chanson de WooJin quand la sonnette a retenti. Comment aurai je pu imaginer que mon ex, celui que je n'avais plus revu depuis des mois, se tiendrait devant moi avec son petit sourire en coin ?
Tandis que la pluie tombe et que les essuie-glaces émettent leur bruit de frottement habituel sur le pare brise de ma vielle Cadillac, je ne peux m'empêcher de lui jeter de rapides coups d'œil.
Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai l'impression qu'il n'a pas changé.
J'aurai cru qu'après plusieurs mois sans le voir, ma vision de lui ne serait plus la même, voir que son visage m'apparaîtrait différemment mais il n'en est rien.
Ses cheveux ont exactement la même taille, coupés courts à l'arrière tout en gardant quelques longues mèches devant qui tombent sur son front juste au-dessus de son regard sombre. Ses yeux semblent perdus dans la contemplation de la route, si bien que j'en viens à me demander s'il est parti dans ses pensées comme cela lui arrivait si souvent auparavant, ou si de cette manière, il tente seulement d'éviter de me parler.
Tout en m'installant plus confortablement dans le vieux siège en cuir, je passe une main dans mes cheveux puis frissonne. M m'a tellement surpris que je n'ai enfilé qu'une fine chemise à manches courtes qui traînait et je commence à le regretter.
À vrai dire, il ne fait pas vraiment froid, en ce mois de de juin, les températures sont plus que clémentes malgré les nombreuses averses qui arrosent le pays et pourtant je ne peux empêcher mon corps d'être recouvert de frissons.
M lui n'a enfilé qu'un simple t-shirt blanc avec des rayures horizontales bleues que nous avons acheté lorsque nous avons passé quelques jours à la mer ensemble au début de notre relation. J'avais exactement le même. Il est désormais au fond d'une boite près des brols auxquels je ne touche jamais.
Tandis que je l'observe, il finit par tourner son visage délicat vers moi et hausse un sourcil. Je m'empresse de fuir son regard et je me concentre sur la route.
Je sens qu'il me scrute longuement à son tour et je me crispe.
- Tu as changé, murmure-t-il de sa voix posée habituelle.
Je ne relève pas, à quoi bon nier, après six mois il aurait dû s'y attendre.
- Tes cheveux ont poussé, poursuit-il, indifférent à mes pensées.
Je ne réponds toujours pas.
- J'aime bien, ça te donne un petit air de gangster ou d'artiste romantique, je sais pas.
Je me retiens de lui dire que je me contrecarre qu'il aime ou pas.
À vrai dire, si mes cheveux ont poussé, c'est car je n'ai pas eu le courage d'aller chez le coiffeur depuis un bail. Ces derniers mois, je me suis contenté de les peigner en arrière quand j'allais travailler et de les accrocher avec une pince ou dans un chignon informe quand je glandais chez moi. Rien de bien phénoménal.
Ma mère, psy à l'Asan medical center, un hôpital à Séoul, m'a clairement dit que c'était le cas classique de perte d'estime de soi après une rupture amoureuse douloureuse. Moi j'appelais tout simplement ça la flemme. À quoi bon me donner du mal alors que le seul truc vivant que je côtoyais, à part les gens du boulot, était ma collection de cactus posée à coté de la fenêtre ?
- Tu vas te décider à parler ? soupire M en posant son coude contre la portière, me sortant de mes pensées.
Je hausse les épaules.
- On va où ? je marmonne la gorge nouée.
- Roule seulement.
Je plisse les yeux.
- C'est ma caisse alors si tu me dis pas où on va, tu peux dégager.
Surpris par ma froideur, son sourcil droit se lève et ses lèvres s'entrouvrent, provoquant en moi un déluge de souvenirs de nos nombreux baisers.
Furieux, je me tourne à nouveau vers la route.
- T'énerves pas comme ça K.
Je souffle en doublant quelques vieux ne dépassant pas le quatre vingt sur la foutue bande de droite de cette autoroute.
- Alors dis-moi où on va, j'articule toujours aussi froidement.
Il hausse les épaules.
- Je sais pas, soupire-t-il et je ne discerne pas assez bien son visage pour capter s'il plaisante ou pas.
Je fronce les sourcils.
- Comment ça, tu sais pas ? On fout quoi là ?
Il croise les bras et cale davantage sa nuque contre l'appui-tête. Rectification de ce que je disais, il y a eu du changement, il a grandi et ce n'est pas rien.
- Je t'ai seulement demandé une journée, une simple journée alors ne me demande pas où, ni pourquoi, pas maintenant en tout cas.
Je secoue la tête.
-Je comprends rien à ce que tu racontes.
Un petit sourire triste se forme au coin de ses lèvres tandis qu'il passe une main dans ses cheveux pour les ramener vers l'arrière.
- Juste roule K, t'inquiète pas.
- Mais toi tu sais où on va ?
- Pourquoi as-tu toujours besoin de savoir où on va ?
Je plisse les yeux mais ne réponds pas.
Pourquoi ai-je accepté de passer la journée avec lui, qu'est-ce qui m'a pris ?
Après plus de six mois d'absence pourquoi s'est-il pointé chez moi comme si de rien n'était ?
Est ce que j'ai vraiment cru que pour une fois, il se comporterait normalement ?
Comme toujours, j'ai l'impression qu'il joue avec moi et je déteste ça.
Et pourtant l'envie de le prendre dans mes bras ne me quitte pas.
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Yesterday Today Tommorow
RomanceSix mois après leur rupture, M débarque chez K pour lui demander de passer une journée avec lui. Toutes les questions restées alors en suspend après leur séparation refont surface. Prendre la route ensemble leur permettra t-il de trouver les répon...