Le dernier invité venait d'arriver, du moins, c'est ce que rapporta une employée perchée derrière l'entrebâillement de la porte.
D'un geste vif, elle referma cette dernière dans un bruit sourd avant de s'éclipser.
Julie: Comme je l'ai dit , le jeune prince ne sera pas là!
Murmura Julie à mon oreille, tandis que mon regard, détourné de ma tisane, se posait sur elle.
Elle haussait doucement les épaules, signe évident de sa connaissance intime de ce personnage.
Une absence qui ne manquerait pas de susciter l'ire de la souveraine.
Je pouvais déjà imaginer son regard glacé, ce mélange de déception et de colère dissimulée sous une contenance impénétrable.
Car après tout, ce n'était pas un simple convive qui manquait à l'appel, mais son fils, celui dont la présence était non seulement attendue, mais presque imposée par son rang et ses obligations.
Qu'est-ce qui pouvait bien fracturer ainsi le lien entre une mère et son fils, au point que ce dernier choisisse délibérément de tourner le dos à ce qu'il représentait ?
Était-ce une forme de rébellion, l'écho d'un refus obstiné de se soumettre aux exigences de son titre, ou bien quelque chose de plus profond, de plus insaisissable ?
Le divin m'a toujours enseigné qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences, que certains conflits, perçus comme des caprices ou des dissensions superficielles, pouvaient en réalité cacher des blessures profondes, des fêlures invisibles au regard du commun.
Et pourtant, malgré cette réflexion, je demeurais indécise.
Devais-je y prêter plus d'attention, chercher à comprendre ce qui se jouait en silence dans cette famille aux apparences si inébranlables ?
Ou bien devais-je simplement détourner le regard, comme tant d'autres, et me contenter du rôle que l'on m'avait assigné ?
Dans un geste, je portai ma tasse à mes lèvres et bus d'un trait ma tisane et laissait la chaleur de l'infusion tenter d'apaiser mon esprit et ses interrogations stériles.
Autour de moi, les discussions allaient bon train.
Les employés, rassemblés en petits groupes, échangeaient sur les personnalités prestigieuses présentes à la soirée en partageant anecdotes et impressions avec une certaines excitation.
Certains évoquaient leurs manières, d'autres leurs exigences, mais tous semblaient captivés par l'effervescence du moment.
C'est alors que mon regard fut attiré par une présence plus distante, plus pesante. Mélissa.
Elle m'observait, avec cette intensité à la fois accusatrice et énigmatique qui me mettait mal à l'aise.
Mais dès l'instant où nos regards se croisèrent, elle détourna brusquement les yeux en feignant l'indifférence.
Je sentis Julie m'observer à son tour.
Lorsqu'elle croisa mon regard, elle secoua la tête, puis m'indiqua d'un simple geste qu'il était inutile d'insister.
Même si ma bonne foi me poussait à relancer la discussion avec elle, à essayer une fois encore de comprendre l'origine de cette rancœur qu'elle nourrissait à mon égard.
Que me reprochait-elle, au juste ? Son hostilité semblait enracinée bien plus profondément qu'une simple mésentente passagère.
Julie se pencha légèrement vers moi, un sourire espiègle au coin des lèvres, comme si elle s'apprêtait à me révéler un secret bien trop savoureux pour être gardé pour elle seule.

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LE PRINCE ET LA CHRÉTIENNE
RomantizmTravailler au palais royal ? Ce n'était pas dans ses rêves. À vingt ans, Merveille n'avait qu'un seul objectif : réussir ses études en médecine , aider sa famille, et garder pour elle certaines blessures qu'on préfère ne pas nommer. Quand une oppor...