XXVII

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Le temps passe, les années aussi.
J'ai maintenant 25 ans.
Je suis une tatoueuse reconnue.
Avec Jean, le salon est rarement vide.
Après être devenue stagiaire, je suis maintenant mentor.
J'adore apprendre ce qu'on m'a apprit.
Je participe à de nombreux salons.

Ma vie personnelle est toujours là même.
Je sens qu'on s'essouffle. Jo bosse beaucoup.
Nos moments ensemble sont rare. De colocataire à couple en concubinage, j'ai l'impression qu'on est de nouveau en collocation.
Nous avons quitté l'appartement au dessus du salon pour nous installer dans une maison. Notre cocon.

Un jour, j'ai voulu lui faire la surprise de le rejoindre pour manger. Il était déjà parti. Sa secrétaire m'a donné le nom du restaurant.
J'y suis avancée. J'ai eu mal.
J'ai vu mon homme accompagnée d'une collègue. Il souriait comme il me souriait avant.
La main de sa collègue carressant son bras ou sa joue. Il ne l'a repoussé pas.
J'ai pleuré pour la première fois depuis longtemps.
Il m'a vu. Je lui ai fait non de la tête.

Je suis retournée chez nous. J'ai rempli une valise et je suis retournée chez moi.
L'appartement au dessus du salon.
J'ai dis à Jean que je refusais tout contact avec Jo.
Quand sa demande est devenue trop insistante. J'ai reportée ou annulée mes rdv et je suis partie.
Jean a compris. Je lui ai expliqué après plusieurs jours à me morfondre.
Il m'a couvert auprès d'Isa et Ju.

USA me voilà. J'y suis je ne sais pas pour combien de temps mais les pieds à terre ne manque pas. Je squatte les salons de mes anciens mentors.
Ils sont fiers de moi. Je me noie dans le boulot pour oublier ma peine.
Je suis restée 3 mois là bas.
Je rentre en France. Il n'y a que Jean qui est au courant.
Je vais à l'école de mon Gaby. Il m'a manqué. Skype et le téléphone ne remplacent pas tout.
Lorsque Isa m'a vu elle m'a serrée dans ses bras et Gaby m'a sautée dessus.

Je suis partie avec lui. On a mangé. Il approche les 8 ans mon petit homme.
Il m'a demandé pourquoi je suis partie sans lui dire au revoir.
J'ai essayé de lui expliquer.
Il m'a demandé pourquoi il ne voyait plus tonton Jo.
J'ai pleuré.

M'éloigner n'a pas allégée ma peine. Elle est toujours là.
Je sais qu'il n'y a plus d'amour. Jo n'est pas seule fautif. J'ai ma part de responsabilité.

Je reprends le boulot au salon. Je rattrape mon retard en bossant tôt et tard. Je dors peu.

Je prends contact avec Jo. Je lui demande un rdv. On doit se voir entre midi et deux dans le bar près de son boulot.
Je m'y rends la peur au ventre.
Quand il rentre dans le café, je suis déjà installé à une table. Il essaie de me serrer dans ses bras mais je refuse. J'ai toujours été difficile avec les contact physiques et là je ne peux pas. Il s'assoit devant moi.

"Tu étais où ? "
"Ailleurs."
" Tu vas bien ?"
"Au tant que je le peux et toi ?"
"Non je m'inquiète pour toi."
"C'est fini tout ça Jo. Il n'y a plus rien. Je l'ai vu ce jour là. Alors arrête tout ça ! "
"Manue "
"Non stop. Je voudrais récupérer mes affaires.je te laisse la maison. Tu prendras rdv au notaire pour changer le nom du propriétaire."
"Pourquoi ? "
"Parce que je ne suis plus rien pour toi Jo. Ne te mens pas. J'ai vu la lueur dans tes yeux quand tu étais avec elle. Avant elle était pour moi. Plus maintenant."
"Tu fuis"
"Non je constate. Je souffre mais je ne vais pas me battre. Laisse moi le temps de digérer tout ça. On pourra reprendre contact plus tard peut être."
"J'ai pas envie de te laisser."
"S'il te plaît Jo. Arrête de te mentir. De me faire du mal. Je ne dis pas que tu ne m'aimes pas. Mais plus de la bonne façon. Est ce que je peux avancer chez toi faire mes cartons ?"
"Quand ? "
"Quand ça t'arrange ?"
"Tu y vas quand tu veux."
"OK je te préviendrais par message la veille."
"D'accord. Tu veux manger avec moi ?"
"Non j'y vais. Salut"

Je me lève et pars sans me retourner. J'ai les tripes retournées envie de vomir.
Je recommence tout. Je dois être forte.

Je retourne au salon. Je ne parle pas. Jean accepte mon silence. Il me connaît et il me surveille du coin de l'oeil.
J'appelle des potes tatoueurs pour avoir un coup de main pour récupérer mes affaires.

2 jours plus tard on y est.
Dans la maison, je vois que Jo n'y vit pas seul. J'ai envie de tout casser mais je ne fais rien. Rien ne trompe : la brosse à dent, la tasse dans l'évier, la trace de rouge à lèvres sur le verre...
Je remplis les cartons que les mecs empiles dans la camionnette.
J'arrache en deux les photos où nous sommes à deux. Je lui laisse sa personne je garde la mienne.
Mes tableaux accrochés au mur finissent explosés.
Je deverse ma haine sur mes affaires.
Voilà, il n'y a plus rien de moi dans sa maison.
Je lui envoie un message :
La page est tournée. La porte est fermée, la clé est dans la boîte aux lettres, tu pourras lui donner. Efface mon numéro et oublie qu'un jour nous nous sommes rencontrés. Adieu.

Après ce message, je bloque son numéro. Je pense même à en changer. En attendant, une chaîne humaine se forme dans les escaliers qui mènent chez moi. Les cartons vont de mains en mains.
Pour les remercier, je fais un super couscous.
C'est la première fois que je les reçois chez moi, des potes ? Des amis ?
Qui sont ils vraiment ?
Une famille. Une famille d'adoption. Silencieuse mais réelle.
Il me respecte tel que je suis. Solitaire, insolente, fragile.
Jean est le papa de toute cette famille.

Le lendemain, je reprends le boulot.
Tout tourne autour du boulot.

10 jours plus tard Jo entre dans le salon.
"Je n'arrive plus à te joindre ?"
"Oui j'ai bloqué ton numéro."
"Pourquoi ?"
Je ris faussement
"Parce que ton monologue de ne m'oublie pas alors qu'une autre est déjà dans ton lit a eu du mal à passé !"
"Comment ça ? "
"Jo je suis naïve mais quand même. Est au moins la gentillesse de me respecter. Tu diras à ta chérie qu'elle a réussi son coup. Nous n'aurons plus aucun contact. Si au départ j'espère garder un souvenir de notre amitié, je ne veux plus rien maintenant."
"Mais Manue !"
"Arrête ! arrête de faire le malheureux si tu n'es pas au courant et bien sache que ta meuf est machiavélique car elle a caché plein de ses petites affaires dans les miennes : les petites jupes tailleurs, les chemisiers blancs etc tu te doutes que ce n'est pas mon style. Alors si ces petites culottes te font tant bander retourne avec."
"Je ne savais pas !"
"Pourquoi tu es là ? "
"Pour le rdv chez le notaire ! "
"Et bien tu donneras au notaire le numéro du salon. Il me préviendra. Toi je ne veux plus avoir de contact."

Je lui tourne le dos et vais dans le bureau.
Je l'entends parler avec Jean. Jean lui dit qu'il a grave merdé. Il est en colère après lui. Jo lui s'épanche sur le fait qu'il m'ait perdu. Que je ne lui ai laissé aucun souvenir, que j'ai brisé chaque tableau, déchiré chaque photo.
Jean lui répond qu'il doit s'estimer heureux que les personnes qui m'accompagnaient n'aient pas fait pire car j'étais dans un sale état, que je les ai maintenu et qu'ils m'ont regardé détruire chaque objet en détruisant un bout de mon coeur a chaque fois.
Dans le bureau, je suis en larme.
Jo s'en va et Jean vient me réconforter.

âme perdue cherche son cheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant