IV

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3 mois
3 mois que Manue est dans le coma.
Ses fractures sont rétablies, les kinés passent 2 fois par jour pour de la mobilisation passive.
Elle a changé d'hôpital,  pour pouvoir être au plus près de sa famille.

Chaque jour quelqu'un reste avec elle. Nous la stimulons en lui parlant.
Je lui masse les mains et les pieds comme quand elle était bébé et que je l'a gardé
Je passais des longs moments à la papouiller.
Je lui fais des soins du visage, des manucures.
Je m'occupe d'elle.
Quand les garçons passent, ils rigolent.
Ils disent que quand elle se réveillera, elle va gueuler car le vernis rose c'est pas son truc.
Encore faut il que tu te réveilles. Non je ne dois penser comme ça !

Ma Manue, il faut que tu te réveilles.
Pour moi pour mamie pour ta famille.
Tu n'es pas seule on est tous là avec toi. Pour toi.

Les médecins sont pessimistes. Je ne les crois pas.
Je crois en toi. Tu ne peux abandonner. Tu n'as pas le droit.

Aujourd'hui, tu changes de service. Tu vas en EVG : état végétatif chronique...
Ils n'ont plus d'espoir pour toi mais moi je veux y croire.

Je ne veux pas une étoile de plus dans le ciel à regarder.
Je te veux avec moi, près de moi. Même si c'est pour te voir me faire la tête, devoir te faire la morale.
Je veux que tu reviennes Manue. Tu es ma filleule. Tu es ma fille.

×××
6 ème mois.

L'année s'écoule. Tu n'as pas fait ta rentrée.
Ton prof a été viré !  Le directeur a eu un rapport de l'inspection académique.
Nous avons porté plainte.
Nous attendons que la justice soit faite. Pour que d'autres ne subissent pas ça.
Les 2 gendarmes qui m'ont accompagné auprès de Manue, prennent souvent de ses nouvelles.
Le chauffeur/pompier pleure encore mais nous ne lui en voulons pas. Il n'est pas responsable. Nous lui donnons de ces nouvellesaussi. Je pense, j'espère que ça va l'aider.

Manue. Manue chaque jour je viens te voir. Je te parle, je te caline.
Chaque jour je te trouve changé.
Tu étais toi et là ce n'est plus toi. Malgré la nourriture parentérale, il ne reste plus grand chose de toi. Tu es si maigre.

Les médecins veulent te débrancher. J'ai peur ma chérie. J'ai peur que tu ne te battes pas. J'ai peur de te perdre.
Je ne me releverais pas indemne si tu pars.
Je suis responsable de ton état.
Je n'ai pas été là, j'ai foiré. Je n'ai pas pris soin de toi.

Mamie ne montre rien mais elle est anéantie.
Tu lui manque.
Tu nous manque.
Notre vie est en suspend ... On t'attend.
Reviens Manue s'il te plaît reviens.

Julien heureusement que je l'ai.
Il me soutient et quand il vient te voir, il ne fait que râler. 
Tu es sa petite princesse. Il aimerait à son tour t'adopter pour que nous formions une famille.
Jamais nous ne remplacerons tes parents mais nous aimerions t'aider à grandir et avoir un semblant de vie normale.

La famille de ta mère a définitivement tirer un trait sur toi. Ils n'avaient déjà pas accepté le choix de ta mère de vivre avec ton père. 
Ils ne t'ont jamais vu et ne te verront jamais. Je ne les laisserais pas te faire de mal.

×××
9 mois de coma.

Les docteurs vont te débrancher aujourd'hui.
L'équipe est dans la chambre. Je suis derrière la porte.
Je suis suspendue aux sons du bip qui raisonnent dans ta chambre. Je me concentre pour n'entendre que lui.
Ce bip résume ta vie, ton coeur qui bat.
Il n'y a plus de bip. Juste un long son continue.

"Chariot d'urgence ! Arrêt cardiaque !"

Manue ne me laisse pas !
Je me laisse glisser le long du mur, je me recroqueville sur moi même et je prie.
J'implore dieu et les saints. Je demande l'aide à tes parents à papy.
Ils ne peuvent pas t'avoir auprès d'eux pas maintenant. Je ne veux pas ! Je veux te montrer la vie Manue.
Je t'aime tant mon petit coeur.

"Madame, Madame !"

Le docteur me secoue. Je sors de ma torpeur. Je me lève et le regarde

"Votre fille est desintubée. Elle a fait 2 arrêts cardiaque. Nous l'avons ramené. Elle respire seule.
Elle a de l'oxygène sous lunettes la journée et nous lui mettrons en masque la nuit.
Madame il va falloir réfléchir à ce que vous voulez faire en cas de nouvel arrêt cardiaque.
Ça lui en fait 7 au total depuis son accident. Nous ne savons pas les conséquences sur le système cérébral. Je vais prescrire un IRM un scanner et un EEG.
Madame réfléchissait j'attends votre reponse"

Je ne pouvais pas lui répondre.  Je rentre dans la chambre.
Je prends la main de Manue. Elle est si froide. Ma belle au bois dormant. Tu dois te réveiller.

Je prends mon portable :
"Allô Julien c'est moi.
- Isa elle est débranchée ?  Comment ça c'est passé ?
-Oui c'est fait. Elle a refait de 2 arrêts.
- merde ? Comment elle va maintenant ?
- j'en sais rien elle doit passée des examens et je dois prendre la decision de la laisser partir ou pas !
- pourquoi ? Qu'est ce que tu va faire ?
-Est ce que tu peux aller chez mamie et prévenir les autres. Conseil de famille. Je ne peux pas prendre cette décision seule. J'ai besoin de toi. De tout le monde.
- oui je suis là ma chérie.  Pour toi. Pour elle. Je les appelle.
- Je ne veux la perdre Ju."

J'embrasse ma fille sur le front. Je passe d'avant la salle de soins pour leur dire que je m'en vais et que je suis joignable sur mon portable au moindre problème.

×××
Chez mamie.

Je ne laisse le temps à personne de parler. Je m'y mets tout de suite, tant que je ne me laisse pas surmonter par mes émotions.

"Bonjour tout le monde. Je vous ai demandé de venir parce qu'aujourd'hui Manue a été débranchée. Ça c'est pas super bien passé. Elle a fait 2 arrêts. Le doc lui a prescrit des examens pour voir comment c'est au niveau du cerveau.
Aujourd'hui il me demande ce qu'ils doivent faire si elle fait encore un arrêt. La laisser partir ou la réanimer.
Je peux pas prendre la décision seule. J'ai besoin de vous."

Je m'assoie sur une chaise et m'effrondre. Mes larmes coulent. Je ne peux pas les arrêter. Julien me serre contre lui. Ça fait du bien de les avoir avec moi. Même si c'est pour prendre cette décision. Nous avons toujours été unie et nous devons le rester. Pour mon frère. Pour Manue.

Après 3h de discussion. On arrive à se mettre d'accord. Si le cerveau est endommagé nous la laisserons partir. Si ce n'est pas le cas il faut se battre avec elle. 

J'appelle l'hôpital pour avoir de ses nouvelles. Ils ont l'habitude. Parfois, je débarque en pleine nuit. J'ai besoin de la voir, de la toucher de lui montrer que je ne l'abandonne pas.
Je leur explique notre choix et ils le notent dans le carnet pour que chaque équipe soit au courant.
Manue va bien.  Il n'y a aucune alarme pour elle. Elle se bat.

Nous attendons avec impatience les résultats de ses examens.

âme perdue cherche son cheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant