Les Marais Maudits

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Ken émergea dans un endroit peu éclairé et humide. Il était allongé sur une surface dure, inégale et froide. Non loin, il perçut le son de gouttes s'écrasant sur le sol. Sa vue n'était pas encore accoutumée à la pénombre mais il eut très rapidement la certitude d'être encerclé, épié. Bientôt il discerna des silhouettes mouvantes au-dessus de lui. D'instinct, il rua et donna des coups de pieds. Il parvint à se dégager de la foule l'entourant et recula jusqu'à ce qu'un mur mette fin a sa fuite. De l'eau suintait le long de la paroi rocheuse et mouillait son dos. Ken se trouvait dans un minuscule cercle de lumière provenant d'une ouverture trônant loin au-dessus de sa tête. La meute l'approcha de nouveau en poussant des jurons.

- Attrapez-moi ce chien ! hurla une voix.
- Non ! Attendez ! Il cherchait juste à se défendre, intervint une autre.
Puis, s'adressant à Ken, elle reprit.
- Du calme étranger. Tu n'as rien à craindre de nous.

Une ombre se détacha du groupe et s'avança lentement de sorte que le Kanais put avec effort distinguer ses traits.

- Regardes-moi bien et vois par toi-même. Je ne suis pas des leurs.

Dans la faible clarté régnant dans la caverne, Ken put voir un homme grand, large d'épaules dont les yeux sombres étaient enfoncés dans un visage carré. Il plissa les yeux mais ne décela pas d'oreilles pointues. Son vis à vis sembla deviner ses pensées et tourna lentement la tête à droite puis à gauche.

- Pas d'oreilles allongées, fit-il remarquer. Pas de poils non plus, hormis une ridicule barbe qui s'échine à vouloir pousser drue depuis quelques temps. Je suis humain comme toi.
- Dans l'obscurité vous en avez effectivement l'air, répondit Ken méfiant. Qui êtes-vous ? Et où sommes-nous ?
- Est-ce bien important ? fit-il évasif. C'est le genre de question que l'on pose lorsque l'on a un avenir. Le nôtre, je le crains, est bien réduit l'ami.
- Que voulez-vous dire ? demanda une voix féminine issue des ténèbres.

Une nouvelle venue s'approcha des deux hommes. L'espace d'un instant, la lumière sembla danser dans son abondante chevelure rousse et ses grands yeux verts.

- C'est très simple, ce soir nous sommes tous conviés à un festin d'hommes-bêtes. Je dirais même que nous en serons les hôtes d'honneur puisque nous constituerons le repas.

Plusieurs voix éclatèrent dans la prison rocheuse. L'homme qui venait de parler restait impassible. Son calme et son apparente résignation inquiétèrent Ken. Il n'avait jamais vu d'hommes-bêtes avant cette nuit mais toutes sortes de légendes courraient à leur sujet à travers tout Pangéa. D'aucuns prétendaient qu'ils pouvaient vivre parmi les humains sans que quiconque puisse les reconnaître et se transformer les soirs de pleine lune en d'immondes créatures. Pourtant, ce que le Kanais avait vu ce soir ne ressemblait à aucune des terrifiantes descriptions qu'il avait entendues. Pouvait-il pour autan écarter ces fables de métamorphose ?

- Comment savez-vous quel sera notre sort ? questionna-t-il encore plus méfiant.
- C'est simple, fit l'autre en se retournant et se dirigeant vers les ombres. Je suis leur hôte depuis déjà un très long moment.

Ken hésita un instant, puis le suivi. Homme-bête ou pas, il devait lui tirer le maximum d'informations sur cet endroit s'il voulait s'échapper. Ils s'assirent à l'écart. Le Kanais prit néanmoins soin de mettre une certaine distance entre lui et son interlocuteur dont il ne distinguait que la silhouette se découpant sur l'obscurité.

- Depuis combien de temps êtes-vous ici ?
- Tu peux me tutoyer, l'ami. Je crois que c'est ce qui se fait quand on partage le même plat. Je ne saurais pas répondre à ta question. Ici on ne voit que rarement la lumière. Alors le temps... Un mois, six mois, un an, dix ans quelle différence cela peut-il faire dans cette galère ?
- Et qu'est-ce qui vous fait croire que nous finirons en repas et non pas comme esclave par exemple ?

CHRONIQUES DE PANGEA I: L'ASSEMBLÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant