Victor s'élança brusquement devant lui, entraînant tout le groupe à sa suite. Ken jeta un ultime regard en arrière. Il crut voir bondir une silhouette mi homme mi canidé avant de se retrouver en train de dévaler une pente fortement inclinée. Au début ils courraient le long de la déclivité puis furent rapidement déséquilibrés et achevèrent leur descente cul par-dessus tête. La chute leur parut ne devoir jamais s'arrêter mais un sol à nouveau horizontal y mit fin aussi subitement et brutalement qu'elle avait commencé.- Par tous les dieux ! jura Victor. Vous auriez tous pu atterrir ailleurs que sur mon pauvre corps.
- Vous n'avez que ce que vous méritez ! répliqua sèchement Séréna. Si jamais mon frère a quoi que ce soit de cassé vous m'en répondrez !
- Je crois que ça va Séréna, murmura Moss.
- Bien. Et toi, mon vieux, tu vas bien ? interrogea Victor.Ken se palpa. Son corps était douloureux mais il semblait encore en un seul morceau. Un pur miracle songea-t-il avant de répondre.
- Je crois que je suis toujours entier.
- Très bien, bougonna Victor. Tout le monde est vivant et sûrement en meilleur état que moi. Alors cessez de vous plaindre, gente dame.Plusieurs grondements se firent entendre au-dessus des têtes des fugitifs. Ils se resserrèrent. Leurs poursuivants piétinaient devant le gouffre, mais aucun ne semblait vouloir descendre. Bientôt leurs grognements se muèrent en hurlements qui se répercutèrent à travers la montagne toute entière.
- Où sommes-nous ? s'enquit Ken.
- Alban en a parlé tout à l'heure, répondit Victor. Ce sont les galeries interdites.
- Pourquoi ne descendent-ils pas ? s'inquiéta Moss.
- Personne n'a jamais pu me le dire. Tout ce que je sais c'est que même les hommes-bêtes n'osent pas s'aventurer ici.
- Vous voulez dire, s'emporta Séréna, que sans en connaître la raison, vous nous avez conduit dans un lieu que les hommes-bêtes évitent !
- Et alors ? Vous êtes toujours vivante, non ? Vous n'avez fini ni en repas, ni en femme-bête. Maintenant si cela ne vous convient pas, libre à vous de remonter. Je suis sûr que nos hôtes apprécieront.Séréna ne répondit rien.
- Comment sort-on d'ici ? demanda Ken.
- J'ai connu un vieil esclave dans cette maudite montagne. Il était mineur et faisait parti d'une expédition à la recherche de minerais de fer. Son groupe et lui ont creusé des galeries et ont découvert qu'il en existaient déjà dans cette montagne. Cette vilaine chose que l'on nomme curiosité les a poussé à explorer longuement le réseau jusqu'au jour où ils ont été fait prisonniers. Cet homme avait une excellente mémoire et a sut me tracer un plan de son périple.
- Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfui plus tôt, alors ? questionna Séréna sceptique.
- Parce que l'occasion ne s'était pas encore présentée, répondit sèchement Victor. Bon. Maintenant nous y allons ou vous prenez racine ici ?Sans même attendre de réponse, l'homme se retourna et commença à s'éloigner. Séréna saisit la main de Moss et lui emboîta le pas. Ken les suivit à son tour. Bien que l'idée de s'aventurer sur un territoire que même leurs poursuivants craignaient ne l'enchantait guère, il ne voyait aucune autre solution. Quelque chose le gênait dans le récit de Victor. Comment cet esclave mineur avait-il pu traverser ces couloirs sans voir ce qui effrayait les hommes-bêtes ? Victor leur cachait-il quelque chose ou ignorait-il vraiment quels dangers pouvaient receler cet endroit ? De nouveau le doute envahit l'esprit du Kanais. Victor leur sauvait la vie et les exposait successivement. A quel jeu pouvait-il bien jouer ? Jusqu'où pouvait-on lui faire confiance ?
Ils avaient rapidement retrouvé leur progression en file indienne. En tête, Victor tenait la main de Séréna. Cette dernière serrait celle de son frère qui ne lâchait pas celle de Ken. La lumière faisait encore plus cruellement défaut qu'à l'étage supérieur. De temps à autres, de faibles et lointains hurlements retentissaient derrière eux. Ils marchaient maintenant depuis un temps qui leur semblait une éternité quand leur guide s'arrêta. Il sembla écouter le silence un long moment. Puis, il se remit en marche sans rien dire. Victor répéta cette opération trois fois encore durant leur avancée. Ken tendait l'oreille et scrutait les ténèbres à chaque arrêt mais ne distinguait rien. De nouveau Victor s'immobilisa. Cette fois Ken crut percevoir un bruit. Cela ressemblait à un faible gargouillis. Le Kanais affina sa perception. Quelque part devant eux, coulait de l'eau. Il y avait un ruisseau dans cette montagne. Les paroles de l'oracle lui revinrent. L'émissaire des dieux lui avait parlé d'une cascade. S'ils parvenaient à suivre son cours peut-être trouveraient-ils une issue à cet enfer. Victor se remit en route. Ils atteignirent bientôt un carrefour. Se fiant à l'origine du bruit ils tournèrent à droite. Rapidement, le son enfla. La direction à suivre paraissait claire. Pourtant leur guide ne cessait de marquer des poses régulières. Craignait-il un quelconque poursuivant ? Ken se rappela alors que même les hommes-bêtes n'osaient s'aventurer ici. Brusquement, l'enchantement provoqué par l'écoulement de l'eau et la perspective de sortir enfin de cette grotte disparut. Le jeune homme se mit à imaginer la chose horrible qui pouvait habiter ce lieu. Une horreur si malveillante que même les monstruosités qui habitaient le niveau supérieur préféraient lui abandonner ce territoire.
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CHRONIQUES DE PANGEA I: L'ASSEMBLÉE
Science FictionAu royaume de Kan, tout n'était que joie, prospérité, luxe et volupté. Bénie par la déesse Cristal, protégée de la convoitise des hommes par de terribles brisants, l'île était le royaume le plus riche, le plus développé, le plus envié et le plus in...