Les quatre compagnons chevauchaient déjà depuis trois jours. Pendant la première journée, la caravane avait avancé bon train sur le chemin pavé, nommé la Vieille Route, menant jusqu'à l'orée de la forêt avant de se transformer en une piste rocailleuse et poussiéreuse. De là s'étendait une végétation basse, drue et éparse qui céda bientôt la place à un décor aride. Loin, au nord ouest, on devinait les sommets escarpés d'une chaîne montagneuse. Khira, leur guide ailée tourna longuement au dessus de leurs têtes avant de rebrousser chemin et de s'enfoncer dans les frondaisons. Le soir même, la faucone ne s'étant toujours pas manifesté, Ken ressenti un pincement au cœur. Il était persuadé qu'elle était retournée à sa maîtresse et qu'il ne la reverrait plus. Il s'était pris d'affection pour le rapace qui le guidait depuis son départ d'Ivish. Avec sa disparition c'était une page de son épopée qui se tournait.
Cette première nuit se déroula dans le calme. La caravane avait disposé tous les véhicules en un large cercle protecteur autour d'un brasier. A l'extérieur, des vigies assuraient la surveillance des alentours. Hommes, femmes et enfants s'étaient réunis autour du feu et d'un souper frugal commun. Des discussions allaient bon train accompagnées du son d'un violon. Manifestement, lassé d'attendre l'arrivée de son disciple, maître Tanguy s'était joint au voyage. De temps à autre Ken croisait son regard posé furtivement sur leur groupe. L'homme se contentait alors de lui sourire puis détournait les yeux.Ken ressenti à nouveau ce sentiment de malaise. Il se leva lentement. Victor l'observa les sourcils froncés. Séréna et Moss en firent autant.
- J'ai besoin de prendre l'air, leur annonça-t-il.
Il se détourna du cercle formé autour du feu et s'éloigna. Les hommes postés autour de la caravane le suivirent du regard. Ken avança de quelques pas puis leva la tête vers le ciel.
Dégagée des cimes feuillues et resserrés de la forêt la voûte céleste se dévoilait dans une robe noire étincelante de diamants. L'astre nocturne lui même semblait immobile, admiratif, devant pareil spectacle. Une légère bise chaude parcourait la surface du désert rocailleux qui les entourait. Ken ferma les yeux et respira profondément comme si chaque particules d'air pouvait emplir son esprit et son corps tout entier de cet instant de quiétude. Il resta là, yeux clos, suspendu à ce temps qui semblait s'être lui même figé. Sous ses paupières défilaient de lointains souvenirs. Une soirée en montagne sous la voûte étoilée. Le murmure du vent à travers les branches d'arbres bordant une clairière. Le souffle chaud de Constance nichée au creux de son cou. Leurs regards qui se croisent. Le visage ovale aux traits fins de son épouse. Les mèches blondes flottant dans la brise. Les lèvres roses et pleines s'approchant lentement des siennes.
Ken se secoua. Il ne devait pas se laisser emporter par ces flots de souvenirs. Plus tard, une fois sa mission accomplie il pourra songer à retrouver Constance. Mais l'heure n'était pas encore venue. Il secoua de nouveau sa tête comme pour en évacuer les dernières traces de son voyage intérieur. Un autre voyage l'attendait. Il plongea sa main sous sa chemise et en tira l'amulette offerte par les templiers. Il ouvrit le médaillon circulaire comme le lui avait montré maître Jarnac. Un point rouge clignotait lentement à l'intérieur de la surface vitrée de couleur verte. Il était orienté vers une des quatres lettres diamétralement opposées frappées sur son pourtour. Ken rangea le médaillon et leva son regard en direction du nord. La chaîne des Monts Korgon se découpait dans l'obscurité.Après une bonne nuit de sommeil ils reprirent la route avec le convoi. Arguant que l'allure de la caravane ne le satisfaisait pas, Ken décida son groupe à quitter le convoi après le déjeuner. Il souhaitait aussi mettre de la distance entre maître Tanguy et lui. Ils chevauchèrent à vive allure, suivant la Vieille Route jusqu'aux premières lueurs du couchant. Ils s'éloignèrent de la route et installèrent un campement pour la nuit. Cette fois, ils dînèrent en silence. Après le repas, le Kanais s'éloigna du groupe et ne réapparut que tardivement. Pour la première fois, il présenta à ses compagnons un visage dénué de cette expression contrariée qu'il arborait depuis le départ de la forteresse.
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CHRONIQUES DE PANGEA I: L'ASSEMBLÉE
Ciencia FicciónAu royaume de Kan, tout n'était que joie, prospérité, luxe et volupté. Bénie par la déesse Cristal, protégée de la convoitise des hommes par de terribles brisants, l'île était le royaume le plus riche, le plus développé, le plus envié et le plus in...