Chapitre 8

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Quelques minutes plus tard un message sonore se fit entendre :
« Veuillez sortir dans le couloir et suivre les marquages au sol ».

Nous avançâmes dans le couloir et bientôt nous fîmes la queue les uns derrière les autres. Je ne voyais pas ce pour quoi nous attendions. Au fur et à mesure que nous avancions je distinguais une porte métallique de garage. Elle était bombée de toutes les couleurs, façon arc-en-ciel, dessus était tagué « psychisme ».

Chaque fois que la porte s'ouvrait une personne sortait et une autre entrait et chaque fois la porte produisait un bruit atroce, aigu et crissant.

Bientôt vint mon tour. J'entrai, et en face de moi je vis celui qui m'avait accueillie quelques heures plutôt. Il avait changé de tenue : il arborait une sorte de tutu plateau noir, des Doc Martens dorées, son collant était multicolore, et ses cheveux formaient un carré noir et strict. Il était assis sur un trône doré assez imposant, je pris place en face de lui à même le sol, sur le béton froid.  Nous restâmes un peu en silence puis sa voix tonna :

« Tout va finalement s'arranger. »

Je ne savais que répondre, non rien ne s'arrangeait jamais, tout allait de mal en pis. Il garda le silence quelques instants puis me tint un long discours :

« Nous t'avons donné un pouvoir, celui de sentir la détresse des gens rien qu'en les effleurant. Nous avons placé notre confiance en toi et tu as échoué, mais ne t'inquiète pas, nous allons t'aider et tout va s'arranger, tu n'échoueras plus jamais, nous allons te confier de nouvelles missions... »

Il continuait à parler mais je ne l'écoutais plus, j'étais horrifiée. C'était donc lui qui m'avait pourvue de ce don, ce don qui n'en était pas un, ce don maléfique et il osait me dire qu'il allait me confier de nouvelles « missions ». Pensait-il vraiment pouvoir me manipuler aussi facilement en me faisant croire que j'étais responsable du malheur des gens ? je n'étais pas influençable et je ne serais jamais son pantin.

Je me levai et me mis à hurler :

« Je vous hais, vous et votre soi-disant paradis ! Je hais mon don, il rend ma vie noir cauchemar. Pourquoi moi ? Pourquoi me punir ainsi, il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas voir. La souffrance de tous ceux que je touche par exemple, je préférerais ne pas la voir, ne pas la ressentir. »

Je ne sais plus bien ce que je lui dis après parce que dans le feu de la dispute mon seul but était de détruire cette horrible personnage, ce sadique. À travers mes yeux embués je ne voyais que ça, plus rien d'autre ne comptait. Son visage devint rouge de mécontentement, il s'avança vers moi et posa ses deux doigts sur mes tempes. Une scène s'installa dans mon esprit, je vis d'abord ma sœur mourir, ma cousine et son adolescence perturbée, Marie et son anorexie, mais aussi une nouvelle vision, une vision que je ne comprenais pas : ma meilleure amie, Clémentine, jouait avec la flamme d'un briquet, la flamme dansait dans ses yeux. Lorsqu'il retira ses doigts il me dit d'une voix sirupeuse :

« Si tu ne réussis pas tes prochaines missions, la vie de ton amie Clémentine se fera aussi vacillante que la flamme de son briquet. Tu te lamentes, tu m'accuses, mais sache que tu n'as pas été choisie au hasard. C'est ton empathie débordante qui t'a conduite à moi et à ce rôle d'ange gardien. C'est ainsi que je repère ceux qui devront porter les ailes. »

Il me fit un geste dédaigneux de la main comme pour me dire va-t'en, et avant que je ne sorte il m'ordonna de bien porter mes ailes à partir de maintenant.

Le Dérapage Où les histoires vivent. Découvrez maintenant