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«La guerre, pour trouver la paix, n'est-ce pas absolument saisissant ?»
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Épuisée, je finis ma course endiablée. Je cours de toutes mes forces, qui m'ont pourtant déjà abandonnées. Je cours à m'en couper le souffle, mais mon temps s'est déjà arrêté. L'oxygène qui rentre dans mes voies respiratoires est déjà empoisonné.

Je cours, je cours sans pouvoir m'arrêter. Les larmes coulent encore sur mes joues dévastées. Mes pensées n'existent déjà plus. Les cris autour de moi me fouettent de milles coups. Les pleurs, je ne les entends plus, obnubilée par ma seule survie.

Un deuxième coup se fait entendre et cette fois-ci, plus que jamais, c'est la panique totale. Les cris se font assourdissants, les bruits des coups de feu et bombardements deviennent insoutenables. Courir devient même un risque, mais s'arrêter est synonyme de mort.

Alors, sans prêter attention aux dizaines d'enfants sur mon passage, aux hommes blessés à mort à terre, aux mères larmoyantes tombées au sol, ne pensant plus qu'à ma seule survie, comme d'ailleurs tout le monde ici, je finis ma course, celle d'une femme meurtrie, meurtrie mais aussi égoïste.

Le feu autour de moi se propage, la suie noire sur mon visage me cache. Mes hardes déchirées me brûlent, et par cette nuit étoilée, sous ce ciel aux reflets de feu, je cours. Je cours à en perdre le souffle, mais je cours.

Penser n'existe plus pour moi. Lorsqu'ici quelqu'un pense, il ne pense qu'à courir plus rapidement pour tenter d'échapper à la mort le poursuivant. Bien sûr, m'arrêter ici, serait synonyme de fin. Peut-être la fin m'est-elle préférable à cette vie, mais ma foi en Dieu, elle, est éternelle et peut-être aussi, bien plus forte que mon envie d'épilogue.

Alors je cours, je cours sans réfléchir. Je cours en laissant mon regard rivé droit devant, au loin. Je suis lâche, peut-être, mais je ne veux pas laisser mon regard dévier vers ces personnes, mortes, au sol. Ici, s'arrêter pour aider revient à se tuer. Voilà pourquoi il m'est impossible d'arrêter de courir. Parce que porter secours à ces personnes serait un suicide.

C'est triste, mais c'est réel.

Alors, à l'encre de mes peines, balafrées par le temps et la guerre sans merci, je cours, je cours, assoiffée, mais je cours.

«Même après des années de génocide, jamais un État ne bronchera. Jamais ils n'emploieront ce mot, jamais ils ne cesseront de cacher leurs méfaits sous regrets.»

-Xinnocent, un enfant du monde, une enfant du monde, qui ne vit pas la même vie que vous. 

«Et la mort les fait vivre»Où les histoires vivent. Découvrez maintenant