«Et la mort les fait vivre»

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«Perdre sa famille, c'est difficile. Perdre sa famille sans en avoir construit une, c'est insurmontable.»
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Le sang présent dans la grotte, inhabituel, me répugne. Je le touche du bout des doigts. Il est frais. Il ne date pas. Car oui, ici, nous ramenons des blessés que l'on soigne. Je refuse de parler de malheurs, c'est impossible, le sort ne peut s'acharner ainsi sur moi. Je refuse de croire qu'on m'ait retirée la seule personne qui me maintenait en vie. Je refuse de ne plus croire en l'humanité, c'est peut-être naïf, mais on a toujours appris à croire en l'être humain, après tout, on peut tous avoir un mauvais comportement, mais on reste humain, n'est-ce-pas ? On se trompe, puis on rectifie, car l'humanité se cache en nous, n'est-ce-pas ? 

Je sors précipitamment de cette grotte, le coeur en miette, comme si lui, savait déjà ce qu'il s'était passé. Je sors de cette grotte, convaincue que je n'y mettrai plus jamais les pieds.  De cette grotte qui a abrité toutes mes larmes de désespoir et désarroi, de celle qui a assisté à la chute psychologique de l'être qui m'est le plus cher sur cette terre.

Je cours sans répit en direction de la deuxième grotte où se trouve un deuxième groupe. Mon cœur rate un battement quand j'aperçois tout le monde formant une ronde, autour d'un corps qui semble inanimé. De mon regard, je cherche celle qui m'a mise au monde, priant du plus profond de moi-même. Rassemblant toute ma foi. C'est ma tante, qui en première m'aperçoit. Des larmes coulent sur ses joues, inconsciemment elle tend les bras vers moi comme pour me ramener à elle alors que je suis à plus de dix mètres. Mes yeux se brouillent, mon cerveau se fracture, mon cœur est en ébullition. Mama...

Inconsciemment, sûrement, je ressens enfin la douleur extrême présente dans ma jambe, mais celle de mon cœur me brise plus encore. Je ne cours plus, non, je marche. Je marche en direction de ce qui sera ma tombe. Je marche, les pensées vides, tout espoir m'a été retiré d'une violence inaudible. Plus que trois pas, plus que deux, puis un seul. Les gens s'écartent un à un, me regardant, non pas avec tristesse ou compassion comme le feraient d'autres mais avec une compréhension hors norme. Eux aussi, ont tout perdu, eux aussi sont désormais seuls au monde. 

Puis, le corps de ma mère sans vie frappe mon regard et je tombe à genoux, près d'elle, déposée sur le Rocher que je déteste désormais le plus au monde. Je m'écroule à ses côtés et mon monde s'écroule avec moi. Je me sens vidée, perforée peut-être même. Je ne sens plus aucune présence auprès de nous, hormis celle de l'Ange de la mort, très sûrement.

Tout devient sombre, tout devient noir, sans plus aucune once de lumière, je n'ose le croire.

Mama..Mama ! Mama est morte, chérie, mama est morte, elle s'est éteinte et a éteint avec elle toute flamme d'espoir germant dans ton cœur. Elle n'est plus, et elle a emporté avec elle mon âme. Mon corps tremblant n'est plus que physique. Mon âme s'est envolée, enchaînée à celle qui donnait un sens à ma vie. C'est terminé, tout est terminé. C'est la fin de mon monde. La haine qui autrefois existait dans mon cœur a disparue. Mon cœur s'est envolé, brisé, il a cherché à se reconstruire mais quand la mort frappe une troisième fois, c'est terminé.

Mama, je t'aime plus que tout au monde. Mama, désormais je n'ai plus aucune raison de prendre les armes. Mama, sans toi j'abandonne.  Mama, sans toi, sur cette terre, ma valeur s'est éteinte.

Mama, tu étais mon joyau et ma lune, et sans toi, plus l'once d'un espoir.

Mon âme s'est éteinte avec toi, reine de mon cœur. Mon âme n'existe plus Mama. Mama, ma lueur à moi s'est envolée lorsque la tienne a pris la fuite. Mama, pardonne moi, joyau de mon cœur.

«Et la mort les fait vivre. Ces États, ces dirigeants assoiffés de sang, ces monstres à l'apparence humaine, de mort ils vivent, comme un vampire se nourrit de sang. Et la mort les fait vivre, quand sans une once d'espoir, ma vie est réduite à néant.»

-Xinnocent, dont la mère aurait pu être la vôtre.