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Le tic-tac de l'horloge comble le silence de la nuit esseulée. Seule une faible lumière éclaire le salon de façon à ce que je puisse voir les principaux traits de son visage. Il n'y a plus aucune trace d'émotion qui s'y trouve, c'est sa façon la plus pure, la plus naturelle que j'ai pu voir. Le léger soulèvement de sa poitrine à chaque inspiration est tellement apaisant que je pourrai observer ça sans m'en lasser ni sans relâche comme de l'hypnose. Mais ce qui m'intrigue le plus, ce qui m'attire le plus est son visage. Ça lui va tellement bien l'innocence et l'état naturel. Même ses cils qui descendent jusqu'à se courber légèrement ne demandent qu'à être comptés. Ses cheveux réclament de l'affection jusqu'à lui procurer un sentiment d'euphorie. Mais je ne peux toucher à rien. Sans consentement, rien. Sans avoir fait d'elle mienne, rien. Sans trouver quelconque signe de volonté, rien. Alors je me contente seulement d'observer en me disant que c'est amplement suffisant pour nous deux et pour le moment.

«Tu es là depuis quand?» je m'assois sur mes genoux afin de prendre un peu de distances avec elle.

«Un peu après que tu te sois endormie. Je ne pouvais pas te laisser seule.. au moins pour ta sécurité.» nous nous regardons pendant quelques instants, ne sachant pas vraiment comment continuer la discussion. C'est peut-être par peur de dire quelque chose qui ne convient pas au moment-même. Ou de foutre en l'air un moment où nous ne nous rendons pas des comptes. Je sais qu'elle ne veut pas rouvrir ce sujet car elle va encore craquer, mais c'est en même temps difficile pour elle de parler comme si de rien n'était. Elle doit sûrement attendre un pas de ma part. «Est-ce que tu veux boire quelque chose de chaud? J'ai l'impression que tu as froid malgré les pyjamas longs et la couverture.» Elle hoche timidement la tête pour ne pas avoir à répondre verbalement, et ça doit être mieux ainsi pour elle. Tout en préparant nos tisanes, je remarque qu'il est presque quatre heures du matin. Le réveil va être difficile demain mais il faudra bien s'adapter. Et puis, ça ne me dérange pas de dormir à une heure aussi tardive; sa présence est bien trop importante actuellement par rapport à quelques petites heures de sommeil en plus.
La vapeur qui dégage de nos tasses réchauffe le cœur en cette nuit plutôt froide. Je les tiens par leur poignée puis me rend au salon pour lui donner la sienne. Elle me remercie puis enroule ses mains autour de la tasse pour profiter de la douce chaleur qu'elle procure.

«Tu m'as offert l'hospitalité malgré que tu sois débordé.» elle souffle légèrement afin de refroidir un petit peu son thé. «Honnêtement, je ne sais pas comment te remercier. Ça ne se remercie pas matériellement, peut-être en te laissant un beau souvenir, un moment que tu n'oublieras pas.» sa façon de penser qui repose sur la réciprocité m'attriste. C'est vrai que ça peut être mignon d'offrir quelque chose en retour pour prouver que nous aussi on pense à cette personne, mais ça ne peut pas devenir une addiction. S'il fallait rendre tout ce que les autres ont fait pour, et contre nous jusqu'à aujourd'hui, on aurait pris un temps énorme. Elle veut peut-être se démarquer après son abandon, peut-être simplement montrer qu'elle est aussi là pour moi mais elle ne sait pas que seule sa présence suffit pour me remercier comme elle le dit. Elle m'offre une des personnes que je veux le plus à mes côtés, alors que demander de plus? Et si elle veut me punir, elle a seulement à se lever et quitter la maison. Seulement ça. Et ce sont ces choses qui nous semblent si simples qui sont en vrai les faits que nous devrions admirer le plus. Car sans elles nous remarquons leur importance dans une vie, sans elles nous nous rendons compte que c'est ce dont il nous faut même si c'est peu. Mais, timide que je suis, je ne pourrai pas lui dire que c'est déjà accompli puisqu'elle veut tellement le faire.

«Je ne peux pas te laisser au milieu de telles personnes même si ce sont tes propres parents. Certaines personnes, lorsqu'elles ont en tête de faire quelque chose, oublient parfois les liens qu'elles ont avec l'autre en face. C'est triste à dire mais c'est vrai..» je comprend que j'ai atteint un point sensible en la voyant sourire nerveusement puis baisser la tête.

«Je sais, je sais.. on m'a fait vivre cette chose dégueulasse aujourd'hui.. enfin hier. Mes propres parents qui me jouent un tour afin de me séparer de toi, mon frère qui vient clairement me dire qu'il t'a frappé.. Je ne comprendrai pas leur cruauté et leur mentalité. Et d'ailleurs.. je suis désolée pour ce qu'il t'a fait. Je le savais mais je n'ai rien osé dire jusqu'à maintenant. Désolée.» c'était tellement sûr qu'ils allaient la piéger mais tant pis, c'est fait maintenant, on ne peut malheureusement plus changer ce qui s'est déjà réalisé. «J'aurai voulu que ce soit une blague comme la fois où je t'avais dit que j'étais promise à quelqu'un d'autre. Si seulement c'était pareil. On se serait éloignés certes mais pas pour longtemps. Tu m'aurais fait des manières mais je n'aurais rien dit.» Elle raconte avec tellement de dégoût que je me rend très vite compte de la gravité des événements. J'essaie de ne pas penser à ça parce que ça sonne faux, mais elle le dit elle-même.

«Ils ne sont sûrement pas sérieux. N'y crois pas.» c'est bien de se rassurer avec des mots mais lorsque le futur nous réserve tout autre chose..

«Je sais que mes parents sont déterminés à me donner, surtout que les arguments qu'ils ont pour se défendre leur paraissent valables pour justifier leur choix. Je dois convaincre mon frère de leur raconter autre chose, car c'est lui qui les a poussé à le faire. Enfin, pas que, mais en majeure partie oui.» déjà qu'il fait assez tard et que maintenant nous devons réfléchir à des moyens pour nous en sortir, j'ai l'impression que mon cerveau peut lâcher à tout moment. «Je n'ai qu'une chose en tête, et c'est le choix le plus convaincant. Fiançons nous.» si facile à dire lorsque c'est une façon d'échapper à quelque chose de mauvais.

«Je ne peux pas, non.» son léger sourire qui disparaît reflète son cœur qui vient de se briser une fois de plus. Pourquoi en voulant lui offrir le bien, elle y voit tout le contraire?

opiumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant