opium

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Si nous sommes assis face à face dans ce restaurant à l'heure actuelle, c'est parce que, sans aucun argument ni débat, elle a accepté ma proposition. Elle est un peu énervée et ça se ressent à travers son intonation mais ce n'est pas son état d'esprit qui va lui faire perdre son appétit, au contraire, elle m'a l'air plutôt désireuse voire même avide.

«Mon Dieu, ce fromage se marie tellement bien avec ce chutney d'abricots. Et ces amandes grillées, et ce vin..tu devrais essayer, ça ne fera rien un verre!» je la regarde se régaler avec les entrées alors que le plat est déjà venu. «Je crois que je n'ai pas beaucoup mangé à midi et avec le stress je n'ai pas ressenti la faim jusqu'à maintenant. Mais là actuellement, j'ai l'impression que je vais manger encore plus que d'habitude... fais attention à ta part!» menaçante mais sans danger.

«Tu te sens en mesure de finir tout ce qu'il y a sur cette table?» elle n'a même pas l'occasion de me répondre tellement son attention entière est focalisée sur la nourriture. J'espère juste que tout ce qu'elle mange et ce qu'elle ajoutera par dessus durant la soirée ne donneront pas une mauvaise combinaison parce que devoir supporter quelqu'un qui vomit n'a jamais été un de mes loisirs.

«J'adore!» son téléphone se met à vibrer et vu son expression après avoir vu le nom du correspondant, ça doit sûrement être un de ses parents. «Ils attendront.» elle pose son portable rapidement puis me regarde d'un air désolée et gênée. «Ça ne se passe pas exactement comme on avait prévu et je m'en excuse à leur place.. J'espère qu'ils sauront se rattraper et que les relations repartiront de zéro pour que les liens soient solides. Tu es prêt à faire le pas, n'est-ce pas?» ses paroles visent à nouveau ce qu'il s'était passé devant chez eux et malheureusement elle ne m'a pas l'air d'avoir changé d'avis. C'est tellement frustrant de connaître la vérité mais de n'avoir aucune preuve sous la main qui lui aurait fait changer de bord. «Je te sens dispersé.» soit j'étais dans mon monde pendant trop longtemps, soit elle a l'œil. Ou bien les deux.

«J'espère que tout se passera bien. De mon côté, si je devais me plaindre d'une chose ce n'est pas à propos des accusations de la fois dernière mais plutôt tout ce qu'ils t'ont fait subir. Tes parents peuvent peut-être agir comme si rien ne s'était passé et toi il peut t'arriver d'oublier ces événements pour x raison mais si tu devais me demander à moi, ce que je ressens.. ça m'attriste beaucoup. Il faut vraiment tomber bas pour faire des choix pareils. Tu es leur enfant et ça ne changera pas, qu'ils le veuillent ou non.» elle essuie rapidement ses mains sur sa serviette avant de tenir les miennes.

«Je n'ai pas oublié, et je suis contente de ne pas oublier parce que certains auraient sûrement été dans ce cas. Ce n'est pas de la tolérance non plus.. comment t'expliquer ça.. tolérer et pardonner ne font pas toujours paire... je m'emporte, désolé. Même moi j'ai du mal à suivre ce que je raconte. Mais en bref, j'attend de leur part des excuses et de réelles explications en tant que parents qui ont blessé leur fille et son entourage. Je ressens la colère et la peine, un entre-deux quoi. Je suis perdue.» même si au début ça m'a été difficile de lui donner raison après avoir déduit de ses paroles qu'elle va leur laisser une chance, j'ai changé d'avis en me rappelant que ça doit sûrement être la puissance du lien entre eux qui doit la pousser vers cette réflexion. Et puisque c'est quelque chose qui m'est lointain peut-être même manquant dans ma vie, ce fait de ne pas pouvoir dire non et tourner le dos aux parents, je n'arrive pas à être sur la même longueur d'onde qu'elle. «Désolée. Je suis forte pour foirer même si ce n'était pas mon but.»

«Ça permet de mettre certaines choses au clair, ne te sens pas coupable pour ça. Profitons de notre repas sans penser à autre chose pour en garder un beau souvenir.» ça lui paraît être une bonne idée vu son grand sourire.