100 miles à l'heure

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Bordel !

D'habitude lorsque l'on nous appelle un Jeudi soir pour secourir une petite vieille, il s'agit de récupérer son chat coincé dans un arbre. Avec le déluge de pluie et les éclairs qui s'abattent sur notre tête depuis la tombée du jour, je serais resté au commissariat si j'avais eu le choix. Mais cette fois c'était différent.

Ce soir, il s'agissait d'un meurtre ! Le premier de ma carrière. Depuis 15 ans que je suis à la tête de la police de Montesano, les seuls cadavres que j'ai pu voir sont des vieillards morts d'ennui.

Je panique un peu. J'essaye de me souvenir de ce que j'ai appris à l'académie. Est-ce que j'aurais du demander le secours du Shérif du compté ? Je voudrais tellement résoudre cette affaire seul. Je pourrais enfin aspirer à une promotion aux services d'Etat et quitter ce bled monotone.

Tout en tenant mon volant fermement, je croise les doigts pour que ce ne soit pas une espèce de psychopathe qui aurait soudainement découvert notre patelin sur une carte.

Je trace plein gaz. Je veux clôturer cette affaire au plus vite et épingler cet assassin. Hors de question de se faire doubler par les services du Sheriff.

Mais... mais si c'était simplement un traquenard que les collègues sont en train de me tendre pour fêter mes 15 ans de fonction ? Oh oui je m'imagine déjà assis au centre d'une foule en délire, une strip-teaseuse m'offrant un langoureux lap dance. Ça me réchaufferait le cœur et la...

Stop. Il faut que je me concentre. Je suis à la tête d'un cortège de 3 voitures qui foncent en pleine nuit toutes sirènes hurlantes. Une fois arrivés sur place je devrai être clair dans mes instructions. Il faudra que je donne l'impression que je sais ce que je fais. Je dois être prêt, on a aucune idée de ce sur quoi on va tomber.

Putain, je crois que j'ai une érection. Je ne sais pas si c'est à l'idée de la strip-teaseuse que j'imaginais se frotter à mon entre jambes ou l'excitation d'une intervention musclée... En même temps je suis rigide de partout. Je ne sais même plus ce que je ressens. J'ai l'impression que mes intestins sont tellement tendus qu'ils tirent sur ma gorge nouée.

Focus, focus. Je n'arrive pas à me concentrer. Mes idées partent dans tous les sens alors que la pluie s'abat avec un impact sourd sur mon pare-brise. Les hauts conifères qui bordent la route ne m'apparaissent plus que comme des traînées d'ombres tirées au fur et à mesure que ma voiture avale la route à toute allure. J'ai rarement roulé aussi vite.

Confiant, je me promets de ne pas crever ce soir. De toute façon, il n'y a que dans les livres que l'on meurt une nuit d'orage... Pour éviter le moindre risque, j'abattrai tout nigaud qui émet le moindre signe d'opposition.

J'ai vérifié mon pistolet par trois fois avant d'embarquer dans la voiture. En 15 ans je m'en suis que trop peu servi. La dernière fois c'était pour abattre à bout portant un cheval blessé. Le pauvre canasson s'était ouvert tout le bas du ventre en ratant son saut par dessus une clôture barbelée. La pauvre bête marchait sur ses propres tripes en essayant de fuir ceux qui venaient à son secours. Ce soir ce sera différent. Ce soir ce sont mes propres tripes qui vont sortir si je ne me calme pas.

Cette foutue route me semble interminable dans la nuit noire éclairée tantôt d'un éclair brusque, tantôt par les gyrophares tournant de nos voitures roulant à toute allure au secours d'une pauvre dame pour laquelle il est malheureusement déjà trop tard.

Twin Preachers TourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant