Coitus interruptus

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Bureau de Police de Montesano, à peu prêt au même instant
(Note de l'auteur: ce chapitre est destiné à être publié plus loin dans l'histoire, juste après le meurtre de la vieille dame).

Assis derrière un énorme bureau en bois massif qui occupait un tiers de la pièce, le chef de la Police locale, Joseph Miller s'apprêtait à passer une soirée tranquille. Il était de garde ce soir mais il se sentait ici comme chez lui. Il avait tout à portée de main dans son bureau. Il avait même installé sous son bureau pesant, un petit frigo masqué derrière une façade en bois imitant un compartiment-tiroirs assorti.

De plus, vu l'orage annoncé ce soir, personne n'oserait mettre le nez dehors. Il y avait donc très peu de chance que l'on ne l'appelle pour une quelconque intervention. Son livret de mots croisés était prêt. Le regard porté vers le plafond, le policier en chef méditait sur son avenir. Il rêvait d'interventions musclées et de plus grandes responsabilités. En se massant la moustache, il se félicitait pourtant de pouvoir s'accorder des moments de sérénité comme celui-ci. De toute façon le choix ne lui revenait pas. Sans expérience d'affaires sérieuses, il était condamné à croupir ici à Montesano où il ne se passait jamais rien.

Résolu à entamer sa nuit de mots-croisés, Joseph Miller s'extirpa de sa bulle.  L'homme au sommet du crâne dégarni se servit un verre de bourbon avec quelques glaçons. Il en avala une gorgée qui lui brûla la gorge car l'alcool n'avait pas eu le temps d'être refroidi. Il pinça les lèvres en émettant un son guttural puis se saisi de son carnet de mots croisés et du stylo. Il s'enfonça dans son siège tout en se léchant le bord des lèvres comme un lion se délecte des restes de sang coincé dans les rebords de ses lèvres.

À peine avait-il ouvert son cahier et sorti la pointe du stylo en trois clics nerveux que son ordinateur émis un son. Il reconnu ce tintement familier. Il venait de recevoir un email. Il était évident que personne ne lui adresserait de requête urgente par courrier. Il s'agissait même très probablement d'une publicité indésirable. Il décida dans un premier temps d'ignorer cet email qui venait d'arriver. Rapidement, la curiosité commença cependant à le ronger. L'homme se demandait qui pouvait être son mystérieux expéditeur tout en réfléchissant tant bien que mal à un nom de gros poisson en neuf lettres.

Par crainte d'interrompre son activité cruciverbiste inutilement, Jospeh Miller ne jeta qu'un œil rapide sur l'écran de son ordinateur. Il y distingua le nom de "Simone Larentia". Piqué à vif, il déposa son cahier de mots-croisés sur son bureau et le troqua contre la souris de l'ordinateur. Une lampée de bourbon et un clic de pointeur plus tard, Joseph Miller lisait avec attention son courrier fraîchement arrivé dans sa boîte. Son cœur se mis à battre plus fort en découvrant les premières lignes du courrier.

"Coucou mon lapin,

Après demain je serai de nouveau à Montesano. Est-ce que je te rejoins comme d'habitude ? Je passerai te voir à ton bureau. J'espère que la police locale sera toujours rigide à mon égard...

Bisous.

S.L."

La question de sa correspondante était bien entendu réthorique. Il n'y avait aucune raison qu'ils ne se voient pas. Jospeh Miller décalerait même l'enterrement de sa mère si c'était nécessaire pour voir sa maîtresse ! Les mots-croisés n'était pas une occupation satisfaisante pour un homme dont la quarantaine d'années était bien avancée.

Simone Larentia était une avocate qui était parfois de passage à Montesano pour défendre un client devant le tribunal de première instance du comté de Grays Harbor. Joseph Miller et elle entretenaient une relation purement sexuelle. Le chef de la police se demandait parfois comment il avait réussi à séduire une femme aussi charmante. Souvent vêtue d'un tailleur noir, Simone Larentia ressemblait aux superbes actrices sur lesquelles Joseph Miller fantasmait à la télévision. Quand ils se voyaient, comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, il plongeait son nez dans sa dense chevelure rousse et bouclée pour respirer son odeur naturellement fruitée.

Lorsque l'avocate était de passage à Montesano, elle passait une première nuit seule à l'hôtel afin d'être reposée et disposée pour son audience du lendemain. Le jour suivant, elle rejoignait Joseph Miller le temps d'une nuit. Lors de sa dernière visite ils commencèrent les hostilités directement sur son massif bureau. L'homme d'une grosse quarantaine d'années ne pouvait pas s'empêcher de repenser à leurs derniers ébats. Systématiquement en entrant dans la pièce, au moment d'appuyer sur l'interrupteur de la lampe du plafonnier, un sourire garnissait la commissure de ses lèvres.

À son âge, le chef de la police n'envisageait plus de se caser. Au grand dam de sa mère qui espérait tenir un jour dans ses bras un petit nourrisson de son sang. Il aimait par contre entretenir une relation charnelle avec Simone. Il espérait que cela ne finisse jamais. Pourtant il avait beau connaître le fin fond de l'intimité de la jeune femme, il ne savait pas grand chose à son sujet. Elle aurait pu être mariée, mère de 4 enfants qu'il n'en aurait rien su. Maintes fois il avait été tenté d'utiliser ses accès privilégiés pour se renseigner à son sujet mais il s'en était empêché. Non pas par déontologie mais par crainte de découvrir un terrible secret qui mettrait brusquement fin à leur relation qui durait maintenant depuis 2 ans.

Jospeh Miller avait beau prôner les valeurs de l'archétype "WASP" (white anglo-saxon protestant), il avait un faible irrésistible pour les femmes d'origine latine. Les entendre jouir dans une langue étrangère lui procurait une excitation qu'il ne pouvait reproduire d'aucune autre manière. Pour satisfaire son fantasme, il demandait souvent à Simone Larentia qu'elle lui parle en italien pendant leurs ébats. Ce qu'il ignorait cependant, c'est que ses parents  étant nés aux USA, elle ne parlait pas un mot de la langue de Dante ! Elle lui sortait alors des mots qu'elle avait lu durant son enfance sur le menu du restaurant de son grand père. Si Joseph Miller apprenait qu'il faisait l'amour à une recette de pâtes, il serait rapidement guéri de ce fantasme linguistique.

L'email de sa maîtresse avait enflammé la libido de Jospeh Miler. Il avait soudain besoin de satisfaire un désir oppressant. Il caressa sa moustache de l'index de sa main gauche avant d'inspirer d'une traite. Il se dit qu'il serait de toute façon plus concentré sur ses mots-croisés après s'être libéré de cet irrésistible désir. Sa main droite hésitante se saisi de la souris de son ordinateur et emmena le pointeur sur la barre d'adresse de son navigateur internet. Ils se mit à frapper énergiquement sur son clavier pour écrire une adresse qu'il connaissait désormais par cœur : www.chicas-guapa.com.

Jospeh Miller était ravi que ce site mexicain soit maintenant disponible en Anglais. Cela lui permettait de choisir une vidéo en laissant moins de place au hasard maintenant qu'il en comprenant enfin le titre. Ce soir il se laissa tenter par "Quickie with a Mexican Slag". Son fantasme fût largement assouvi à coup de "Ai papi!" lancés par une jeune latina au rythme de sa chevauchée, accroupie au dessus d'un étalon imberbe de la zone pubienne.

Tout en agitant son poignet à pleine vitesse, la main serrée autour de son sexe, les yeux rivés sur son écran, Joseph Miller se croyait véritablement en train de pénétrer cette ravissante jeune femme. Il attendait sa propre petite mort qui ne pouvait maintenant plus tarder. Brusquement, la sonnerie du téléphone interrompu l'activité du chef de la police de Montesano.

Twin Preachers TourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant