Devant la fenêtre du 6ème étage, face au ciel gris, assise sur le lit, dos à moi, elle fixe de ses yeux bleus les gouttelettes qui glissent le long de la vitre, qui se laissent tomber sur le verre comme je me suis laisser tomber amoureux d'elle. Elle contemple ces perles de pluie, elle les regarde se rejoindre, faire un peu de chemin ensemble, grandir ensemble avant de devenir trop grosses et de se séparer ...
4 mois déjà qu'elle est à mes côtés et pourtant elle ne s'ouvre pas. Je la comprends mais elle ne le sait pas, je la connais plus qu'elle n'en a conscience. Elle ne veut pas que je la vois telle qu'elle est. Elle se renferme à chaque fois que je pourrais voir une peu d'elle, un peu de ce qu'elle pense. Elle a peur, peur que quelqu'un la voit, peur que quelqu'un la découvre.
Elle est impassible, elle ne laisse rien voir, elle maintient cette solide carapace qui est sensée la protéger. Mais je sais à quoi elle pense : la pluie la fascine et elle voudrait lui ressembler.
Elle voudrait ressembler aux nuages, aux gouttes et au ciel gris. Je sais qu'elle le voudrait mais elle ne l'avouera jamais parce que l'avouer, ce serait s'ouvrir et ça, ça lui fait peur.
Elle leur ressemble déjà mais elle ne le sait pas ...
Elle est neutre comme le ciel, ses traits ne laissent rien transparaître, ni joie, ni tristesse, elle est neutre comme le gris du ciel, coincé entre deux couleurs, elle, elle est coincée entre deux humeurs ...
Elle est forte comme les nuages, elle est dense, on sent qu'elle a vécu, qu'elle a beaucoup à l'intérieur mais elle cache ce qu'elle renferme, elle cache ce qui fait d'elle ce qu'elle est, elle le cache et n'en dévoile qu'une partie inexpressive, comme les nuages, masses blanches et informes vus d'en bas, sont beaucoup plus mais ne le montrent pas.
Et elle avance dans la vie comme les gouttes sur la vitre. Un peu perdue, un peu désorientée, comme inévitablement attirée vers le bas par une force inconnue après avoir été au sommet. Mais elle avance tout de même, même perdue, même désorientée, même en direction du fond, elle avance, elle coule pour mieux remonter ensuite. Elle aussi, semble suivre le cycle de l'eau.
Parfois, j'aperçois un éclair de relâchement dans son comportement et je sens qu'elle s'ouvre à moi, qu'elle cesse de se cacher parce qu'elle cesse de penser pendant un moment. Mais très souvent ce moment ne dure pas.
Un jour j'espère, elle s'ouvrira à moi, elle me fera assez confiance pour ne plus se cacher. Un jour, j'espère elle me dira pourquoi elle ne s'ouvre à personne, pourquoi elle ne parle pas, pourquoi elle est comme ça. Un jour j'espère, elle se serrera contre moi après qu'on ait fait l'amour au lieu de regarder la pluie, les cheveux dégoulinants et mon T-shirt beaucoup trop grand pour elle sur le dos.
Un jour j'espère elle fera tout ça mais pour le moment, elle veut ressembler à la pluie, elle veut être impassible, ne rien laisser transparaître pour ne plus être blessée, ou peut être pour ne plus blesser, elle veut être forte, ne pas céder sous la pression, comme les nuages, elle veut continuer, ne jamais s'arrêter comme les gouttes ...
Elle veut être un tout, une sorte d'atmosphère à elle seule, une atmosphère qui repousserait, qui ferait fuir les gens, qui me ferait fuir.
Mais ce qu'elle ne sait pas c'est qu'elle est déjà un tout à elle seule ... Dans cet appartement, au 6ème étage, en plein cœur de Paris, seule face à la fenêtre, à contempler la pluie ... Elle fait l'atmosphère de cette pièce, elle donne à l'appartement ce côté gris et triste, elle se fait sentir, ressentir partout. Mais ça ne me repousse pas, elle ne me repousse pas, elle ne me repoussera jamais. J'ai toujours eu un faible pour la pluie.
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Parlez-moi de la pluie
General FictionOn dit de certaines choses qu'elles sont "ennuyeuses comme la pluie" ... Et si, pour une fois, c'était elle qui pimentait notre vie ?