Chapitre 1

953 116 26
                                    

                 La boule au ventre, je range mon livre de ma bibliothèque dans le carton posé sur mon lit. On y voit encore l'inscription en feutre noir de sa dernière utilisation. À peine revenue à la maison, je dois emballer de nouveau mes vêtements pour repartir. Ma mère m'as prévenue que ça serait inutile de les défaire, mais comme à mon habitude j'en ai fait qu'à ma tête.

Sans mes affaires, je ne me sentais pas chez moi. Pourtant, vider une nouvelle fois ma chambre me fait un pincement au cœur. Une chose que je n'arrive pas à expliquer, j'étais partie vivre quatre ans à l'université de San Diego, le fait d'être revenu pendant deux mois ne m'aide pas. Avoir mon appartement à San Francisco est un fantasme depuis mon adolescence, mais maintenant que ce rêve devient une réalité cela m'angoisse.

— Tu comptes le prendre ce haut, ça pourrait me faire un souvenir de toi quand tu seras loin, minaude Fanny.

— Hors de question, en plus dois-je te rappeler que San Francisco n'est qu'à quarante-cinq minutes d'ici  ?

Ma petite sœur se contente de lever les yeux au ciel tout en remettant le débardeur fleuri dans ma valise. Allongée de son long sur mon lit, elle observe tous mes faits et gestes, et jette de temps en temps des regards à mes affaires. Avec Fanny, on a toujours été complice malgré nos quatre ans de différence. Mentalement, on est complémentaires, mais physiquement c'est l'inverse. Elle tient plus du côté chilien maternel tandis que moi j'ai celui américain de notre père.

— Tu pourras venir quand tu le souhaites, ajouté-je en m'asseyant près d'elle.

— Oui, mais ça ne sera pas pareil, je m'étais habituée à te revoir tous les jours et là, tu dois t'en aller de nouveau.

— Si tu as besoin, tu peux compter sur moi. Tu te rappelles notre promesse lorsque je suis allée étudier à l'université.

À mes mots son visage triste se met à s'illuminer. Je savais parfaitement que cela lui redonnerait le sourire. Elle avait fondu en larmes dans mes bras dans le hall de l'aéroport, refusant de me laisser partir pour San Diego.

— On sera toujours là l'une pour l'autre même si l'on est à des milliers de kilomètres, se remémore-t-elle à voix haute.

— Tu vois, tu n'as aucun souci à te faire.

— Mais je pense tout de même qu'avec ton haut, j'arriverai à me sentir mieux.

Amusée par ses vaines tentatives, je me lève du lit pour fermer le dernier carton avec du ruban adhésif. Désormais, il ne me reste plus qu'à prendre la route.

— Au lieu de vouloir me voler mes affaires, tu peux peut-être m'aider à les descendre.

Malgré son peu de motivation, elle finit par se redresser pour ramasser la boite. J'attrape ma valise et mon sac à main, puis jette un dernier regard dans ma chambre, maintenant à moitié vide. La gorge nouée, je ferme la porte et emprunte l'escalier.

Je lance un ultime regard dans le miroir de l'entrée. J'enlève l'élastique qui retenait prisonnier mes longs cheveux bruns. Je passe rapidement ma main dedans pour essayer de leur donner une certaine forme en vain. Seuls mon mascara et mon crayon tiennent le coup face à la chaleur brûlante de la Californie.

J'attrape mes clés de voiture dans la corbeille et traverse le pas de la porte pour aller déposer mes dernières affaires dans ma Volvo.

— Tu es sûre de n'avoir rien oublié  ?

— Je ne pense pas.

— Surtout si tu as besoin d'argent ou que je te fasse des courses.

— Carolina arrête de t'inquiéter, je suis persuadé que tout va très bien aller. Après tout, on l'a élevée, intervient mon père en serrant ma mère dans ses bras.

Jusqu'à l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant