Chapitre 12

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« Le fleuve Camilaë est l'un des plus importants du Bois de l'Aube. Il est principalement fréquenté par les marchands originaires de la rive mais plus rarement par les étrangers, et ce pour une raison très précise : ce fleuve est si calme et limpide que sa surface reflète le paysage aussi bien qu'un miroir, particularité qui peut avoir sur les gens un effet hypnotique. Trop de voyageurs et marchands venus d'autres régions s'y sont noyés en tentant d'attraper leur reflet, c'est donc pour cela que la navigation sur ce fleuve est réputée comme dangereuse. 

Vous remarquerez également que ce nom fait référence aux camilaës, petits rongeurs des forêts capables de se fondre dans le décor grâce à leur fourrure aux propriétés miroitantes. »

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       Cette attaque avait été le coup de départ d'une course effrénée à travers bois. Les espions ne semblaient pas avoir pris les criminels en chasse mais ces derniers n'avaient plus qu'une seule hantise : se faire rattraper. Ils savaient parfaitement qui étaient leurs agresseurs, Sol avait d'ailleurs appris un peu plus tard que le trio s'était éloigné de la charrette par leur faute, ce qui les plongeait dans une crainte toute particulière...  Toute forme de tranquillité les avait quitté. Ils avaient donc décidé de rejoindre le fleuve Camilaë au plus vite et d'embarquer dès qu'ils en auraient l'occasion.

       Sol se dépêcha de se sécher et enfila ses nouveaux habits en grelottant. Elle constata avec surprise que Maazul avait un sacré bon œil, puisque la tunique qu'il lui avait prise lui allait comme un gant ; du moins, selon les critères de Vaellia. La Mahonienne n'avait pas l'habitude de porter des vêtements aussi longs et étroits. Elle se sentait mal à l'aise et, même si elle savait que ce n'était qu'une question d'adaptation, n'y serait pas à son aise de sitôt. Un peu comme beaucoup de choses, d'ailleurs... Elle referma correctement les attaches qui courraient de ses aisselles jusqu'à ses hanches, enfila son manteau puis s'éloigna du cours d'eau, prenant soin de ne pas marcher dans les flaques d'eau et de sang qui restaient de sa toilette.

       Le collier tomba d'un pli de fourrure avec un petit tintement. Sol l'avait presque oublié... Elle le ramassa et le regarda une dernière fois, la tête remplie de questions : la royauté réussirait-elle à les rattraper ? Pourquoi cette espionne avait-elle fui au lieu de se battre contre Win jusqu'à la mort ? Et les autres, en avaient-ils fait de même ? Peut-être étaient-ils soumis à un ordre de mission ordonnant la fuite en cas de danger trop important, afin de ne perdre aucune information gagnée durant leur périple... De plus, s'ils étaient responsables du sauvetage inopiné de la demoiselle, se doutaient-ils qu'elle n'avait rien à voir avec cette affaire ? Avait-elle une chance de se sortir de ce terrible malentendu ? La justice lui accorderait-elle le moindre pardon ?

       Elle fit tourner le collier entre ses doigts. Elle ne l'avait pas vu la veille mais le bijoux était gravé d'un symbole, tout en harmonie avec les formes de la perle : un carré inscrit dans un cercle. Quelle drôle de décoration... La Mahonienne l'observa un instant avant de le laisser tomber à ses pieds : c'était une trace bien ridicule mais largement suffisante pour des espions aussi entraînés que ceux du Roi, du moins l'espérait-elle. Elle attrapa ses anciennes affaires et retourna au camp, croisant les doigts pour ne pas y retrouver un monticule de cadavres.

       Eyomi et Maazul l'attendaient près de la charrette. La scélérate avait troqué  son uniforme de Lame contre un habit plus simple, semblable à celui de Sol, et avait paré ses cheveux châtains de quelques fleurs fraîches, à la mode de Vaellia ; elle les avait également coupés au carré, donnant à son visage un air plus doux, et avait maquillé ses yeux d'un fard mauve qui donnait à ses iris gris l'illusion d'une teinte bleutée. On aurait dit une tout autre personne... Maazul, quant à lui, la dévorait d'un regard admiratif, toujours égal à lui même.

L'épopée de SolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant