Chapitre 43

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« Du feu né la destruction, mais surtout la force de tout reconstruire.»

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       Une chape de plomb pesait sur Sol. Sur ses épaules, sur son estomac, sur ses poumons, sur son esprit. Son souffle lui échappait en volutes vaporeuses dispersées par l'air glacial du soir : elle expirait afin de se débarrasser de son malaise, pourtant le vent n'emportait avec lui que les miettes de son courage. Elle avait peur comme jamais. Elle songea aux récits épiques qui, jadis, la persuadaient qu'une telle mission ne pouvait emplir son cœur que d'une incroyable fierté... La réalité était bien différente. Seuls les tremblements de crainte faisaient vibrer sa cage thoracique, bien loin des pulsions embrasées que décrivaient les livres d'histoire.

       Cachée entre deux créneaux du rempart, la Mahonienne observait le château se préparer à la nuit : les oriflammes du palais étaient décrochés les uns après les autres, rentrés à l'abri des bourrasques afin que le gel n'altère point leurs détails. Soldats et domestiques vaquaient à leurs occupations dans un silence commun à l'habitude, les rideaux se refermant d'un geste mou, pendant que les lumières des lustres et des bocaux luminescents faisaient leur apparition par delà les interstices du tissu. La parade monotone du soir absorbait l'attention de la demoiselle comme un remède contre la peur, du moins fut-ce le cas l'espace de quelques minutes.

       Une main gantée se posa son épaule. Le sourire rassurant d'Aswin avorta son sursaut et l'encouragea à se calmer un peu.

— Désolé, je ne voulais pas te surprendre... Comment vas-tu ?

       Elle lui sourit en retours, amère.

— J'ai hâte que ça se termine...

       L'homme vint s'asseoir près d'elle en silence. Ses yeux baissés débordaient de culpabilité et de dépit.

— Je suis vraiment désolé pour tout ça, murmura-t-il doucement. Je suis honteux de t'avoir embrigadée dans cette affaire. Pardon, Sol. Je ne m'excuserai jamais assez pour ce que je t'ai fait endurer.

       La demoiselle tourna lentement la tête vers lui. Ces excuses avaient quelque chose de doux-amer : leur sincérité touchait Sol en profondeur, peut-être plus qu'elle ne l'aurait cru, mais la culpabilité de Win était trop évidente pour que ses paroles occultent ses actes. Elle lui en voulait pour ce qu'il avait provoqué mais ne pouvait que le pardonner pour tous les efforts qu'il avait déployés pour se racheter. Elle appréciait ce comportement, en dépit de tout ce qu'il s'était passé.

       Le noble fuyait inlassablement le regard de sa camarade. Elle lui offrit un sourire aux allures tendres, lui signifiant qu'elle n'était pas rancunière.

— Je te pardonne, lui dit-elle avec douceur. Même si je trouve que tu as fait des choses sacrément stupides, tu t'es bien battu pour te racheter.

       Le visage de l'intéressé se releva doucement : il couva Sol d'un regard pétillant, débordant de reconnaissance, qui fit naître une douce chaleur dans la poitrine de la jeune femme.

— Merci..., souffla-t-il. Merci infiniment, Sol.

       Il marqua un court silence, les yeux posés sur la figure massive du palais, avant de reprendre timidement :

— Je te remercie d'être là. Enfin non... Ne retiens pas ça, c'est très égoïste, formulé de cette manière. Je veux juste dire que... ta présence est un soutien extraordinaire. Tu es extrêmement courageuse et déterminée. Sans toi et ces traits de caractères, j'aurais sans doute continué à faire n'importe quoi... Mais je vais arrêter ce discours ici. Je suis vraiment un enfoiré, à penser de cette manière. Je me hais.

L'épopée de SolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant