Chapitre 23

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« Avez-vous déjà vu une pièce de théâtre au Royaume d'Okthem ? Quel talent ! Quelle virtuosité ! L'action prend vie sous nos yeux tel un feu d'artifice ! Les acteurs, les costumes, les décors sont à couper le souffle ! Et la musique... cette musique ! Comme tout droit sortie de la gorge d'un Dieu ! Même les petites représentations de rue ont su transcender mon âme ! Je ne pourrai jamais oublier le premier spectacle auquel j'ai assisté. Il est encore aujourd'hui au cœur de mes plus beaux rêves... Les artistes d'Okthem méritent bel et bien leur réputation de faiseurs de miracles ! »

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       Il était tard. Les quatre voyageurs avaient galopé de longues heures à travers le désert et n'avaient daigné s'arrêter qu'à la nuit tombée. Ils avaient fini par s'établir sur la rive d'une oasis cachée au cœur d'un amas de ruines, espérant ainsi échapper à la vue de leurs possibles poursuivants.

       Ils ne s'étaient pas vraiment parlés depuis leur fuite du camp révolutionnaire. La réponse à la question sur ces camps étant claire, personne n'avait voulu gaspiller sa salive en débattant sur le sujet : leurs ennemis étaient toujours là, ce qui voulait dire que les fuyards ne pourraient pas s'établir ici. Ces derniers avaient monté leurs tentes et allumé un feu dans le silence, encore trop secoués pour discuter de leur prochaine destination.

       Sol n'avait pas cherché à engager la conversation. Elle n'avait même pas mangé, dégoûtée par ce qu'elle venait de vivre, et s'en était allée se coucher avant tous les autres, profondément épuisée. Cependant, le sommeil avait décidé de l'abandonner : elle soupira, repoussa son sac de couchage et s'apprêta à sortir de sa tente pour prendre l'air lorsqu'une bride de voix lui parvint.

— Je n'arrive pas à croire qu'ils soient arrivé jusqu'ici..., déplora Maazul. Et moi qui pensais que la pression des forces Vaelliennes suffirait à les retenir...

— Ils étaient déjà parvenus à sortir de Mahon pendant les procès, s'extirper de Vaellia n'était qu'une question de temps, répondit Eyomi sur le ton de l'inquiétude. Mais je ne m'attendais pas à ce que ça leur en prenne aussi peu.

— Et qu'ils trouvent de telles stratégies aussi rapidement, surenchérit Win. J'ignore comment ils se sont procurés du matériel royal et des techniques de leurre aussi poussées mais cela ne me plais pas du tout.

       Maazul leva un regard dépité dans sa direction. Cette mine, si différente de celle que Sol lui connaissait, fit battre lourdement le cœur de cette dernière : si Maazul commençait à baisser les bras, c'était le début de la fin.

— Tu veux parler des poches de sang cachées sous leurs vêtements et de leurs combats chorégraphiés ? devina-t-il. Et pourtant, c'est un classique des effets spéciaux théâtraux... Pareil pour les uniformes royaux : un peu de connaissances militaires et de maîtrise en broderies suffisent largement à nourrir l'illusion. Même chose pour les armes et les armures. J'ai eu l'occasion de les voir de près et, même si je dois avouer que ce sont d'excellentes copies, j'ai bien fini par voir que c'étaient des fausses ! Comment les prisonniers ont-ils pu passer à côté de ça ?

— Parce qu'ils ne se doutaient pas que ce n'était qu'une mise en scène, le calma Win. Ils avaient peur et ils ont vu ce qu'ils voulaient voir : des tortionnaires. Pareil pour les Révolutionnaires. Ils priaient pour voir des sauveurs, alors ils ont considéré les nouveaux venus comme tels.

       Eyomi lâcha un grognement furieux, de ceux qui agaçaient la Mahonienne par leur froid mépris ; mais celui-ci avait quelque chose de las.

— Je déteste la facilité avec laquelle ils se construisent leur petite armée. À ce rythme là, la guerre va se déclarer plus vite que prévue.

L'épopée de SolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant