Chapitre 13

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« La tradition est quelque chose de très important chez les Vaelliens, on la retrouve jusque dans l'organisation des cités et de la vie quotidienne. Ainsi chaque ville (de la cité au hameau) est divisée en cinq quartiers : les quartiers inférieurs, les quartiers médians, les quartiers supérieur (vulgarisés comme pauvres, modestes et riches par les étrangers des autres Terres), le quartier noble et le quartier commun. Il est interdit de se balader dans un quartier différent de celui d'où l'on est issu, sauf dans le cas exceptionnel où l'on y travaille, outre le quartier commun qui constitue la seule exception à cette règle. Cette philosophie de vie est si bien ancrée dans les meurs des Vaelliens que tout ascension et chute sociale est impossible : il n'est  pas rare de croiser des familles riches au sein des quartiers inférieurs, enrichies par le travail mais privées de l'éducation et autres privilèges des familles bourgeoises ; et, à l'inverse, il est tout à fait commun de rencontrer de grandes frateries des quartiers supérieurs complètement ruinées, dormant à même le dallage des rues. »

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       Win était venu chercher Sol quelques heures après l'aube. Elle avait passé tout le trajet au fond de la cale, une bouteille luminescente et, de temps à autre, le passage d'un marin ou d'un criminel cherchant le repos comme seule compagnie, et s'avoua surprise lorsque son ravisseur lui expliqua qu'ils naviguaient depuis la veille : la jeune femme ne se souvenait même pas avoir dormi, juste serré les dents et prié pour que leur voyage ne se transforme pas en naufrage... Et ils étaient bien sains et saufs, grâce aux Dieux, prêts à reprendre leur périple en direction du Portail.

       Ils avaient repris la route à bord de leur charrette et voyageaient sans un mot, comme à leur habitude. Il firent une pause à quelques minutes d'un village indiqué par Eyomi, peut-être l'occasion d'y trouver une auberge et de passer une nuit dans la sécurité de l'activité humaine : Maazul partit une fois de plus en reconnaissance, cette fois-ci vêtu d'un bonnet de laine qui dissimulait son manque de masse capillaire. Les deux autres malfrats s'étaient postés autour de la charrette pour la surveiller, silencieux, pendant que Sol restait prostrée à l'intérieur. Elle pouvait les apercevoir tourner autour du véhicule par un interstice de la bâche, préparés à riposter au moindre bruit suspect.

       Ils firent volte face lorsque Maazul réapparut, seulement quelques minutes après son départ : il marchait avec hâte et avait l'air sacrément perturbé.

— Il n'y a personne..., chuchota-t-il à l'intention de ses camarades.

— Et ? l'interrogea Win. Ce doit être un village fantôme, rien de plus.

— Rien de plus ? répéta le grand bonhomme, outré. Tu dis ça comme si c'était normal !

— Ça l'est, lui apprit Eyomi. Lorsque la famille noble d'une cité vient à disparaître entièrement, le pouvoir périt avec elle. Sans chef, tous les habitants quittent la ville en quête d'un nouvel endroit où vivre. Il laissent derrière eux une cité entièrement abandonnée, considérée comme maudite.

— Ce n'est pas ce genre d'endroit que nous sommes justement censés éviter ? les interrogea Maazul d'une voix de plus en plus faible.

       Ses deux camarades s'entre-regardèrent, hésitant clairement sur la façon dont ils devaient réagir face à cette découverte.

       Un village fantôme ? Étrange, se dit Sol en tirant nerveusement une mèche de ses longs cheveux bruns. La réaction des criminels vis-à-vis d'un hameau entièrement vide était bien curieuse : le ton de la conversation était à l'angoisse et les voix des hors la loi atteignaient un volume proche de l'inaudible. La jeune femme dut se concentrer pour suivre la suite de la discussion qui, maintenant, frisait la dispute :

L'épopée de SolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant