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4 Juillet, 11h27.

Harry allait voir son inconnu tous les jours. Lui qui aimait être chez lui, dans un certain confort. Il avait mis du temps à se sentir bien dans son appartement, tout était si impersonnel. Harry avait le besoin d'exister en chacun des choses qu'il plaçait, chaque objet, chaque livre, chaque meuble. Tout avait une signification. Avec le temps il avait appris à vivre parmi toutes ces choses qu'il aimait, il s'y était habitué et avait du mal à quitter son chez-soi.

Chaque matin, il prenait son thé, en été sur son balcon, en hiver sur son rebord de fenêtre, et il regardait les voitures passer, les gens courir après le prochain bus ou même entre deux stations de métro. Il voyait des gens pressés, des familles, des solitaires, des ivrognes, des malheureux, des amoureux, il voyait l'absence et l'abondance, il souriait. Le soir il ouvrait légèrement sa fenêtre pour entendre les musiques du bar d'en face, les mélodies étaient bercées de rires, de fausses notes et du grincement de chaises qui bougent.

Ce sont ce genre de choses qui révèlent la vie, alors Harry s'y était habitué et désormais il avait du mal à s'en détacher.

Mais aussi étrange que cela puisse paraître, l'hôpital ne le dérangeait pas. Ce lieu qui pourtant recueille tant de tristesse lui semblait tout aussi vivant que les rires des passants vers 23h le soir. Ce lieu était vivant car il recueillait ce mystère qu'Harry aimait. Ce coup de foudre malsain dont il ne pouvait oublier l'existence.

Il avait déposé en cet hôpital une forme de seconde maison. Il enveloppait un espoir à ses yeux, alors il s'y tenait, tellement fort. Il se levait tôt le matin pour être présent dès les premières secondes du temps de visite, il faisait attention à ses vêtements, sa coiffure, bien que seules les infirmières le voyaient.

Il était important pour lui d'avoir une présentation convenable, comme aux premiers rendez-vous (professionnels ou non), il aimait paraître, faire attention, choisir ses vêtements était pour lui une forme d'art, ils révèlent une certaine personnalité, alors Harry jouait avec les apparences, ça l'amusait. Il pouvait passer de l'avocat chic au métalleux dégradé, il était un peu tout à la fois, il n'aimait pas choisir, alors il ne le faisait pas.

C'est comme cela qu'Harry avait tissé quelques liens avec le personnel de l'hôpital. Il savait qui s'occupait des soins du jeune homme, qui veillait sur lui, ses machines, toute une organisation qu'il ne comprenait pas très bien. Mais il aimait recevoir de la visite lui aussi, comme s'il était un patient. Même si de simples sourires ne s'étaient qu'échangés, c'était au fond ce qu'il préférait. On a plus de chance de recevoir un sourire sincère qu'une discussion sincère, alors Harry récoltait les sourires, il les cajolait.

Les infirmières avaient fini par l'aimer elles-aussi, Harry le savait, elles avaient parlé de lui entre elles. Il s'en doutait. Il est rare que de jeunes inconnus de 23 ans viennent prendre une charge des frais d'hospitalisations sur un coup de tête, alors bien que ces informations tenaient du secret médical, elles circulaient dans l'enceinte, c'est leurs ragots à eux.

Harry avait discuté avec les médecins d'LT, il avait continué à feuilleter son journal mais ce dernier n'était constitué que de citations, de mots, de chansons, parfois de poèmes. Il écrivait chaque chose qu'il aimait, un sourire, une couleur, une sensation, une émotion, un rire. Ce carnet était une sorte de recueil des choses qui nous poussent à aimer la vie. Alors cet inconnu semblait en être passionné, et plus Harry lisait son journal, plus il souhaitait le ranimer de cet entre-deux qui le déchirait.

Les médecins lui avaient dit qu'ils appelleraient la police afin qu'ils regardent dans leur dossier. En général, ils attendent que le patient se réveille pour lui demander des informations personnelles, mais dans le cas d'un coma, la fin peut-être très lointaine, parfois elle n'arrive même jamais.

Jusqu'à la vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant