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‪29 Juin, 11h32.‬


Harry hésitait à parler à l'homme inconscient qui se tenait devant lui, il avait peur de paraître étrange. Les médecins lui avaient dit que c'était possible que le patient entende dans son sommeil et que par conséquent sentir une présence pourrait le motiver à se battre. Alors Harry voulait lui parler, il voulait l'aider et lui montrer que rien n'était perdu parce qu'il serait là pour lui désormais.

Harry n'était pas très bavard dans la vie courante, ou peut-être n'avait-il jamais eu l'occasion d'avoir une réelle discussion. Mais il savait qu'au fond de lui il adorait les mots, il écrivait, tout le temps, alors quand une phrase sortait de sa bouche, il ne savait généralement plus s'arrêter. Et alors, il récitait son monologue comme s'il avait travaillé ses mots des heures durant, chaque choix de vocabulaire étant d'une perfection totale.

Harry était un poète, il le savait, il était de ces romantiques à la philosophie bohème, et il aimait cette part de lui. Ça le rendait différent. Cependant, il avait toujours peur des autres, peur qu'ils pensent qu'il sur-joue, qu'il ne soit pas naturel ou tout simplement pas lui-même. Alors les premiers mots étaient toujours les plus durs, le premier pas, la première lettre, il était minutieux et tenait à ce que chaque son soit parfait, afin que son discours sonne comme la plus douce des mélodies.

Il appréhendait toujours de briser le silence, comme par respect. Lui qui baignait chacune de ses réflexions et recouvrait toutes ses émotions, il l'idolâtrait toujours, certainement trop. Alors il aimait le faire traîner dans le temps, au risque de ne jamais commencer. Mais du respect, il en devait également au jeune homme allongé devant lui, et c'est pourquoi il prit soudainement son courage et lui conta son récit :

« Ton corps était là, inerte dans mes bras.
Je le serrais fort, trop fort, j'étais tétanisé.
Je venais de revoir mon plus beau mirage.
Ton visage.

Ton corps était trempé, des fines gouttes d'eau perlaient le long de ta peau. Tu étais sublime.

Mais il y avait quelque chose qui me tuait peu à peu. Une angoisse de la réalité qui me frappait soudainement.

Tu ne bougeais pas.

Tu étais là, pour la première fois, dans mes bras, mais tu ne bougeais pas. Tes yeux étaient clos, le mystère de leur couleur me démangeait, j'aurais aimé les voir, tout comme j'aurais aimé que tu te réveilles à mon toucher, que je puisse entendre le son de ta voix, formé par ces lèvres si douces et si roses. Mais il fallait que ton corps soit froid, et immobile.

Je t'ai ramené sur le sol, te posant avec délicatesse, par peur de te briser. Mais encore une fois mon cœur mourrait car tu ne bougeais pas. J'ai tout réalisé pour te sauver : massage cardiaque, bouche à bouche, encore et encore, je ne sais combien de fois j'ai répété l'action mais par contre je sais qu'il a fallu m'arracher de toi pour que je m'arrête.

Quelqu'un avait appelé l'ambulance, ils ont apporté les défibrillateurs et ils t'ont ranimé. Enfin, pas totalement. C'est là que tu as plongé dans un coma profond. Si prêt et si lointain à la fois. »

Harry regardait le sol, voyant encore toutes ses images qui défilaient devant ses yeux. Il n'avait pas compris pourquoi le temps s'était arrêté lorsqu'il avait posé les yeux sur cet inconnu. Et il ne comprenais encore moins pourquoi il l'avait suivi jusqu'ici. Pourquoi il avait décidé de s'attacher à un mort, au lieu d'un vivant.

« Je venais enfin de retrouver le visage de celui transcendait mon cœur d'émotions, et il fallait qu'il ne puisse pas ouvrir les yeux. » rajouta-t-il pour lui-même dans un soupir.

Jusqu'à la vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant