Affras, la Cité aux mille époques

Affras l'Intrigante

Tymeline

Elle se faufila dans son antre secrète, l'Ob's, l'ancien observatoire désaffecté et délaissé de la Blanche, alors que le soleil était déjà tout à fait couché. Sur les plages, les fêtes battaient leur plein, mais Tymeline ne se sentait vraiment pas à dépenser ce qui lui restait d'énergie ce soir.

La lanière de son sac glissa pour être jetée dans un tas de poussière, tandis que la lycéenne dégainait sa torche pour combattre les ténèbres. Elle avait déjà essayé de bricoler les lumières, c'était même pour ça qu'elles ne fonctionnaient plus.
Le premier lieu à visiter était son débarras; c'était là que ses amis de la Bleue déposaient les trouvailles qui pouvaient être d'un quelconque intérêt pour leurs travaux.

Il y avait des cartes-mères qui ne demandaient qu'à être ressoudées, de vieux processeurs à retaper, et une drôle de forme...

Un homme. Un squatteur.
Tymeline bondit en arrière, faisant tomber sa lampe, son cœur explosait dans sa poitrine et son sang battait ses tempes. Par réflexe, elle fit taire un cri d'horreur en masquant sa bouche d'une main tremblante.
Son instinct de survie lui hurlait de s'enfuir, mais elle reprit sa torche, lentement, en espérant ne pas réveiller celui qui était allongé au milieu des décombres. Il devait sans doute dormir, ou alors être en transe après avoir pris on ne sait quelle drogue dure...

La lumière passa de nouveau sur le drogué, donnant aux rides de son visage une monstruosité inhumaine. Un frisson parcourut l'échine de l'adolescente, alors qu'une pensée vint lui chatouiller l'esprit. Le corps ne semblait... réellement pas humain, trop mécanique. Elle fit un pas vers lui, aussi lentement que sa frayeur pouvait lui permettre.

Un robiot.

C'était un robiot. Non pas un simple droïde de métal ou un androïde à la peau synthétique, mais un véritable robiot. Une prouesse technologique à la fois de la Bleue et de la Blanche, à la fois robotique et informatique pour ce qui est du comportement et de la structure interne, mais aussi en grande partie organique, à la fois pour éviter la vallée dérangeante et pour que les robiots puissent avoir une certaine forme d'autonomie. Les blessures se résorbent d'elles-mêmes, par exemple.

Qui l'avait déposé là ? D'ordinaire ses amies laissaient des vieilleries bonnes à la casse et au recyclage, mais là ?!
En plus, il avait l'air en très bon état... elle avait déjà vu des robiots nécrosés aux infos, celui-là s'en sortait vraiment bien.

Presque médusée face à cette merveille de la technologie, fruit des savoirs issus de siècles de travaux consécutifs, elle se surprit à frôler la peau du robiot du bout de ses doigts, simplement pour s'assurer qu'il était réel, et pas une hallucination de son esprit fatigué.
Les paupières de l'androïde papillonnèrent un instant, avant que celui-ci n'abandonne la rigidité qui le rendait jusqu'à maintenant si... artificiel.

Son enthousiasme déborda un petit peu, la faisant sauter en arrière et hurler «IL FONCTIONNE !!», tandis qu'elle sortait son téléphone pour demander à ses amies qui avait déposé ce petit bijou sur le tas, non sans oublier de capturer cette merveille en photo.
Petit bijou qui prononça quelques mots imperceptibles, détachant l'esprit euphorique de l'adolescente de son portable.

« Qu'est-ce que vous faites ici ?, demanda le robiot, qui avait l'air perdu. Ç'aurait été du pur anthropomorphisme que de le considérer comme perdu, cela dit... Existait-il un programme "je suis perdu" ? Autant le lui demander.
- Ils t'ont déjà programmé, en plus ?

- Vous devez faire une erreur, il se trouve que..., commença-t-il d'une voix loin d'être robotique. Les ingénieurs avaient vraiment réussi leur logiciel vocal, ou alors les généticiens avaient reproduit des cordes vocales dans la gorge du robiot...
Elle préféra ne pas y penser sur le coup.